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C'est un constat un peu triste que je fais non pas auprès des enfants (et c'est la bonne nouvelle de ce post) mais plutôt auprès des adultes et jeunes adultes en formation ou durant les cours que je peux dispenser dans diverses universités et écoles. Où est passée la curiosité ? La prise de risques est souvent réduite à néant, peut-être des suites d'années de formatage scolaire où l'erreur équivaut à un trait de crayon rouge, à une mauvaise note.

Les enfants jouent, se défient de l'erreur, la traitent comme un obstacle qu'il va falloir surmonter et non pas une barrière trop grande pour eux. Je peux lire "même pas peur" dans leurs yeux alors que les adultes et jeunes adultes se mettent sur pause, se bloquent souvent irrémédiablement et je dois les pousser pour avancer.

Le résultat compte à leurs yeux alors que, pour ma part, seule la méthode m'intéresse. Je me contrefiche que ce soit souligné en rouge, en vert, en bleu banane, qu'il y ait 5, 10 ou 12 paragraphes. Peu importe que le fil électrique fasse 10cm de plus que prévu, que le code soit un peu bancal. Ce que je regarde, c'est leur aptitude à construire, à développer, à imaginer.

Et je constate trois choses.

Donner le choix

Primo, donner le choix, donner la liberté est pour certains, synonyme de grande complexité car ils ne comprennent pas que leur choix, peu importe lequel, aura toujours la même valeur.

Ils soupèsent, cherchent la meilleure décision à prendre, pressentant peut-être un piège là-dessous alors qu'il n'y en a aucun. Par exemple, choisir le sujet d'un texte à rédiger ou comment passer 30 minutes à se compliquer la vie, à se prendre la tête, à craindre que tel ou tel sujet passe mal alors que l'exercice porte sur la manière de rédiger et la mise en forme.

S'exercer

Secundo, s'exercer c'est prendre le temps de faire autant de fois que possible une action, une activité pour bien la comprendre.

Beaucoup se concentrent sur le rendu, sur l'évaluation demandée qui consiste bien plus en un exercice qu'autre chose. Ce dernier est alors réduit à néant car on a à peine pris le temps de "s'habituer", en fait juste de se conformer à ce qui est demandé pour évaluer. Ce que j'évalue n'est pas le résultat mais bel et bien ce qui s'est passé entre deux et j'aurais préféré constater plusieurs minutes d'acharnement sur une activité pour se perfectionner que recevoir immédiatement le résultat, signe que l'on a réussi une fois. Quid de la prochaine ?

Le statut de l'erreur

Tertio, l'erreur est source de blocage et la curiosité, la capacité à rebondir fait défaut.

Je prends souvent l'exemple du labyrinthe et leur explique qu'ils sont actuellement perdus au beau milieu de celui-ci. Que fait-on dans un labyrinthe ? Est-ce que l'on reste coincé au fin fond d'un couloir, attendant je ne sais quel miracle ? Non... On revient sur ses pas. On prend la voie B que l'on avait ignorée. On se trouve bloqué de nouveau. On revient en arrière pour prendre la voie C et ainsi de suite jusqu'à la sortie. Dans un labyrinthe, on est curieux. Dans la vraie vie, apparemment on s'assied, on attend et on angoisse jusqu'à ce que le formateur mette sur la voie. Je préférerais bien plus qu'ils développent leur curiosité. C'est pourquoi systématiquement je donne des indices mais jamais la réponse complète.

Soyez hargneux, soyez curieux. Cela devient une rengaine et je m'inquiète quand je regarde les enfants en me demandant s'ils deviendront plus tard aussi inquiets, s'ils perdront leurs pouvoirs magiques. À moins que les petites graines semées continuent à germer...

 

Dernière modification le vendredi, 05 octobre 2018
Cauche Jean-François

Docteur en Histoire Médiévale et Sciences de l’Information. Consultant-formateur-animateur en usages innovants. Membre du Conseil d'Administration de l'An@é.