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Passer d'une voie professionnelle considérée comme une voie de garage à l'émergence d'une véritable voie d'excellence dans notre pays est l'objet d'un débat dans lequel s'inscrit cet article. Si les réformes actuelles sont une vraie chance pour les lycées professionnels et les CFA, il leur reste néanmoins encore plusieurs étapes à franchir pour devenir une véritable voie d'excellence.

Réforme de l'enseignement professionnel, continuité ou rupture ?


Dans sa tribune du Monde du 24 septembre, "La revalorisation de l’enseignement professionnel est un éternel recommencement", Vincent Troger, Maître de conférences en sciences de l'éducation, note que les réformes de l'enseignement professionnel s'inscrivent globalement dans une grande continuité les unes avec les autres.

"Dès lors comment expliquer qu’après presque quarante ans de réformes effectives, la « revalorisation » de cet enseignement soit toujours d’actualité ?" s'interroge-t-il. Reprenant l'histoire de cet enseignement depuis l'après-guerre, il explique la croissance rapide des effectifs d'élèves
pendant les "trente glorieuses", en réponse aux besoins de qualifications des entreprises principalement industrielles d'alors et à l'élévation de ce niveau grâce à l'enseignement général délivré dans les lycées professionnels lors de promotions internes des jeunes.

La fin des « trente glorieuses » a sonné le glas de cet âge d’or, avec le chômage massif, la désindustrialisation et la tertiarisation des emplois. Les enfants des classes populaires qui rentraient dans l'enseignement professionnel au cours des années 1950 1960 avec la perspective d'emplois stables et des réelles chances de promotion n'y rentraient plus qu'en cas d'échec scolaire, à partir des années 1980. La voie professionnelle subissait d'autant plus cette orientation par l'échec, qu'elle confortait la culture élitiste toujours dominante dans notre pays, contraignant ainsi souvent les logiques gouvernementales à tenter de revaloriser de l'enseignement professionnel avec les leviers ("élévation du niveau et rationalisation de l’offre de formation, rapprochement avec l’apprentissage, ouverture vers les formations technologiques supérieures pour rendre l’enseignement professionnel plus attractif").


La réforme de l'enseignement professionnel conduite par Jean-Michel Blanquer constitue cependant une profonde rupture avec la logique que décrit Vincent Troger, parce qu'elle se construit en lien avec la transformation fondamentale de l'apprentissage et de la formation professionnelle (continue) pilotée par Muriel Pénicaud. Instituant une formation àl'orientation et un accompagnement des élèves dans leur choix de métiers, la réforme conforte les lycées professionnels dans leur double finalité, l'entrée avec une qualification sur le marché du travail grâce à l'alternance et à l'apprentissage, ou bien la poursuite d'études toujours possible dans ces modalités. Parallèlement la professionnalisation des enseignements s'approfondit avec la mixité en classe des élèves en alternance sous statut scolaire et en apprentissage, et le mixage des enseignements professionnels et généraux ; avec aussi l'objectif d'ouvrir l'apprentissage dans un lycée sur deux.


Loin de "la dépendance au sentier" dont parle Vincent Troger pour expliquer que "chaque réforme s’inscrit dans les rails de la précédente parce qu’il est trop complexe et trop difficile de changer de direction", la rupture, associée à celle de l'apprentissage, se veut cette fois-ci profonde. Loin de constituer une variable d'ajustement du système éducatif (classique) qu'évoque l'auteur, cette transformation constitue une vraie chance pour les lycées professionnels et les CFA d'apporter leur savoir faire dans le nouveau paysage ouvert de l'apprentissage qui s'ouvre pour la voie professionnelle. Mais nous en sommes qu'au début de sa mise en œuvre et bien que les premiers signes du redémarrage actuel de l'apprentissage soit encourageant, il lui reste néanmoins encore plusieurs étapes à franchir pour devenir une véritable voie d'excellence.

La solution viendra du travailler ensemble..

...avec les Régions, l'État, tous les acteurs de la formation et le monde économique

Fanny Guinochet du journal l'Opinion du 30-9 note que les régions, qui assurent la compétence économique, militent activement pour un meilleur pilotage des politiques d’accompagnement vers l’emploi et de formation professionnelle dans les territoires. Les Régions demandent la création d’un partenariat quadripartite entre l’État, Pôle emploi, les régions et les partenaires sociaux (les syndicats de salariés et les organisations patronales) et la mise en place d’un dispositif de pilotage de l’accompagnement des demandeurs d’emploi et des entreprises.

Avec les Régions, Geoffroy Roux de Bézieux Président du MEDEF plaide le même jour "pour un mode de fonctionnement plus agile, fondé sur une coopération au niveau régional avec tous les acteurs de la formation : académies, universités, service public de l’emploi. Plus qu’une méthode, c’est une pratique de bon sens. Elle consiste à faire d’abord un diagnostic partagé sur les besoins en compétences des entreprises au niveau des bassins d’emploi et sur un état des lieux de l’offre de formation disponible pour y répondre.

Deuxième étapelogique, définir le rôle des acteurs et fixer à chacun des engagements annuels, mesurables et donc évaluables".

Le Premier Ministre, Edouard Philippe, devant le Congrès des Régions de France le 1er octobre, a proposé une expérimentation dans trois régions volontaires « visant à renforcer le pilotage des politiques de formation professionnelle » avec la mise en place d’une instance de gouvernance avec Pôle Emploi présidée par le Président du Conseil régional. La gouvernance est un jeu collectif, où chacun est à sa place, avec un capitaine au niveau régional.

Assurer cette étape du renforcement de la gouvernance régionale est nécessaire, mais doit être complétée par le pilotage de la formation professionnelle initiale et de l'orientation avec tous les acteurs impliqués : académies, universités, acteurs de l'emploi.
... mais aussi sur les territoires avec les acteurs de la formation, du tissu économique et des collectivités

La véritable solution encore à construire pour que la voie professionnelle devienne une véritable voie d'excellence se situera en articulant gouvernance régionale nécessaire pour assurer une meilleure régulation entre les offres et les demandes de compétences et d'emploi au niveau des bassins d'emploi ; sur les territoires dans la coopération de tous les acteurs de la formation et du monde économique, avec l'appui des collectivités. Les Campus des métiers et des qualifications en sont une bonne illustration.

Btab

Bruno Racine - AFDET -

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Dernière modification le lundi, 07 octobre 2019
Racine Bruno

Bruno RACINE, AFDET - Administrateur Délégué national chez AFDET - section de Paris, conseiller pour l'alternance-apprentissage, l'emploi et la formation professionnelle dans le développement des territoires.