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Corentin Apparailly débute la musique dès l’âge de quatre ans. De formation altiste, il a été admis à l’unanimité au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Il a obtenu différents Prix et fonde alors qu’il n’a pas dix-huit ans le Quatuor Arod. Il vient d’écrire un livre sur cette expérience qui sera publié dans l'année. Le succès avait été immédiat avec des tournées sur les scènes prestigieuses du monde.

Pourtant, Corentin Apparailly a décidé de poursuivre une autre voie, celle de la composition. A vingt-neuf ans, il a composé une quinzaine de pièces. En 2023, il a obtenu le Prix des Arts de l’Académie d’Occitanie.

Vous choisissez cinq ans après la création du Quatuor Arod de devenir compositeur. Ce choix est couronné rapidement du Prix de la fiction au Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand.

J’ai toujours composé de la musique depuis que je suis enfant. J’ai commencé par des chansons. J’ai débuté l’alto assez tôt. Mon père est altiste à l’Orchestre du Capitole de Toulouse, j’allais souvent à la Halle aux grains pour écouter les concerts. Très tôt, j’ai voulu écrire mes propres pièces, tout comme j’écrivais des petits bouts de livres. J’étais aussi inspiré par les musiques de films. Quand j’ai commencé le Quatuor Arod, c’était au départ un coup de foudre artistique avec le premier violon Jordan Victoria.

Ça a pris une place prépondérante dans ma vie pendant quelques années mais j’ai toujours continué à composer. Au bout de cinq ans, après le Prix du concours international de l’ARD qui consacrait notre groupe, j’ai pensé que c’était le moment de me réaligner sur ma passion première, la création. J’avais toujours l’amour de la musique classique et l’amour de la musique de films.

J’ai obtenu un Prix du Festival du court-métrage, j’ai pu travailler avec l’Orchestre National d’Auvergne à cette occasion. J’ai adoré ce travail avec les musiciens parce que j’ai été musicien et il y avait une connexion évidente. Mais pour la musique de films, il y a beaucoup de contraintes même si c’est amusant d’écrire pour les images. On n’est pas maître de la forme de ce qu’on écrit. Si le montage change, il faut couper la musique. Si une scène est rallongée ou écourtée, c’est le réalisateur qui a le final cut. Et aussi ce qui me gênait c’est de ne pas pouvoir écrire de la façon aussi riche comme je l’aurais souhaitée.

J’aime bien écrire des éléments assez fournis et donner de la matière aux musiciens. Pour le moment aussi mais ça peut changer, il y a beaucoup de musiques d’ambiance, forcément, je m’y retrouvais moins. Évidemment quand les acteurs sont en train de parler, il ne faut pas que la musique prenne le premier plan. J’aimerais refaire de la musique de films, mais ce sera plus occasionnel.

Très vite, j’ai eu d’autres commandes. La Cinquième Saison, une de mes dernières compositions, est une pièce avec Julien Martineau. C’est une œuvre qui dure près de trente minutes pour mandoline et orchestre. En général les concertos pour mandoline durent dix, quinze minutes. Il y a eu bien sûr Vivaldi mais ça date. Cet instrument n’a pas bénéficié d’importants concertos romantiques. Récemment, il y a eu quelques compositions contemporaines, mais il s’agit d’œuvres assez courtes et légères en termes d’orchestres. La volonté de Julien Martineau quand il a commandé la pièce, c’était un grand concerto romantique. Bien sûr, je ne suis pas de la période romantique, je propose davantage d’influences notamment plus modernes et également baroques. Il y a une petite citation baroque dans un concerto de Vivaldi et ça me plaisait de tenir compte de toute l’histoire de la musique et de ne pas me limiter à un seul courant. L’orchestre est plutôt fourni avec trois percussions, des vents, des trompettes, une harpe.

Vous êtes un musicien du classique du XXIe siècle ?

La musique contemporaine rassemble tellement de courants différents, de manières d’écrire. Souvent la musique classique fait un peu peur au public. Et pour la musique contemporaine, les gens s’attendent à des compositions abstraites et difficiles à l’écoute. C’est en fait plus brassé. Chacun écrit comme il le sent avec ses propres influences. Je n’essaie pas de m’inscrire dans un courant particulier. Comme je suis des deux côtés, ça me tient très à cœur que tous les musiciens puissent s’exprimer.

Les titres de vos œuvres sont très poétiques : L’Antre des Moires, Athanor. L’Instrument Oublié est un conte musical, vous pouvez le présenter ?

C’est une œuvre pour ensemble d’altos, et un narrateur raconte l’histoire d’un alto abandonné dans un grenier. L’instrument passe de mains en mains. Il y a des aventures et l’alto est retrouvé par la propriétaire initiale qui est altiste. L’alto retrouve sa voix car il est rejoué et entendu à des concerts.

Cette pièce est une commande des Conservatoires de Tarbes et d’Agen qui souhaitaient une approche pédagogique pour que le conte intéresse les petits et les grands. Les parties sont étagées par niveau, la huitième partie est la plus simple. Tous les élèves d’une même classe peuvent jouer ensemble, des débutants aux musiciens plus confirmés. L’Instrument Oublié est très accessible et permet aux élèves et au jeune public de découvrir l’histoire de l’alto, en mettant des mots sur les émotions musicales.

C’est une ouverture possible à la musique classique pour des personnes qui seraient intimidées. Je suis content que ce conte soit rejoué prochainement.

C’est comme un théâtre musical ?

Il n’y a pas vraiment de mise en scène. Ce qui est chouette c’est que pour le décor, il y aura des projections de dessins des élèves pour chaque tableau de l’histoire, pendant qu’ils jouent. C’est plutôt audio. Ce sera bientôt enregistré.

Propos recueillis par Fatma Alilate

Concerts - Programmation de Corentin Apparailly :
L'Instrument Oublié, conte pour narrateur et ensemble d'altos : 9.03.24 à l’Auditorium Antonin Artaud / Ivry-sur-Seine ; 17.03.24 à Saint-Maur-des-Fossés pour l'évènement Altos sur la Marne 2024 avec 75 altistes.
La Cinquième Saison, concerto pour mandoline et orchestre : 06.04.24 au Théâtre Ledoux / Besançon - un extrait sera rejoué le 07.04.24 à La Commanderie / Dole - interprété par Julien Martineau avec l'Orchestre Victor Hugo dirigé par Jean-François Verdier.
Ys, légende pour trois pianos
https://www.youtube.com/watch?v=cESrZiapGoY

Photo : Corentin Apparailly, altiste et compositeur © Didier Nguyen

  Dernière modification le mercredi, 21 février 2024