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Le salon Educatec-Educatice s’est déroulé du 16 au 18 novembre au Parc des Expositions de la Porte de Versailles. Les propos qui suivent ne constituent pas un compte rendu fidèle (et encore moins exhaustif) de cette manifestation. Il s’agit plutôt d’une évocation de quelques thèmes majeurs et  des impressions retenues.

Des données et des algorithmes

Il faut faire avec car il n’y a plus le choix : tout utilisateur du web (et même dans une moindre mesure un non utilisateur) produit et reçoit des données : c’est l’avènement du « big data ». Le problème est que ces données sont utilisées de façon autre que neutre : les algorithmes qu’elles nourrissent sont fabriqués pour obtenir un résultat (par exemple le calcul de votre prime d’assurance en fonction de risques potentiels personnalisés). Ils font des choix et ces choix sont conditionnés par des valeurs. Ces valeurs ne sont pas nécessairement celles que l’on voudrait voir triompher dans une société démocratique, ce ne sont pas nécessairement celles que l’on voudrait voir enseignées dans l’école de la République (l’exemple cité n’est pas exactement compatible avec la valeur solidarité).

Circonstance aggravante : la possession, le contrôle et le stockage des données sont aux mains de multinationales qui ont ainsi accès à nos pratiques individuelles en matière de consommation, de culture, d’éducation, de santé, de comportement social…et ces entreprises utilisent des algorithmes pour nous fournir, sans que nous les demandions, des  informations à même d’influencer ces comportements individuels dans le sens qu’elles souhaitent.

Eduquer au numérique

Madame Catherine Becchetti Bizot, inspectrice générale de l’éducation nationale affirme :

" l’enseignement du numérique à l’école est désormais considéré comme une nécessité. Plus de 80% des parents et des enseignants sont favorables à la formation aux nouvelles technologies et à leurs usages dans tous les apprentissages ".

Il y a pourtant distinction entre deux champs éducatifs : l’un peut se définir comme enseigner avec le numérique et l’autre enseigner une culture numérique.

Le premier champ fait référence aux modifications des pratiques de formation et d’apprentissage intégrant peu ou prou les outils numériques. Ils   incitent  à travailler autrement. Le terrain et en particulier les établissements scolaires foisonnent d’expérimentations ; le ministère de l’éducation et les éditeurs multiplient les accès à des documents numériques ; les collectivités locales investissent lourdement tant sur le matériel que sur les contenus. Mais ces modifications dans le rapport au savoir mobilisent des compétences nouvelles (ou mobilisent différemment des compétences traditionnelles) tant chez les éducateurs que chez les éduqués et il se pose trois grandes questions pour partie liées :

  • La validation des pratiques innovantes et leur reconnaissance
  • la formation : des enseignants bien sûr mais aussi des éducateurs, des animateurs, des parents, des élus…
  • l’évaluation quantitative des bénéfices qu’en retirent les élèves.

Le deuxième champ est encore mal défini, tout simplement parce que la culture numérique est en cours de construction sous nos yeux et parce qu’elle englobe à la fois des connaissances techniques, des contenus et des pratiques, parce qu’enfin elle bouscule les toutes les disciplines et modifie les apprentissages en apportant entre autre partage et créativité.

Alors, si l’on est d’accord sur le fait que l’école doit "  donner des repères et une culture numérique de base " et même que cela est " une obligation nationale urgente " comme cela a été unanimement reconnu lors de la conférence du consensus " le numérique en éducation " (http://www.educavox.fr/accueil/reportages/conference-du-consensus-le-numerique-en-education), cela recouvre : savoir construire un algorithme et savoir coder mais aussi se familiariser avec les divers usages du numériques et cela va jusqu’à être capable de contrôler l’identité que l’on laisse sur les réseaux sociaux.

Le fait de parler " d’humanités numériques " n’en définit pas pour autant le contenu.

Le local et le projet

Madame la ministre de l’éducation a donné le ton dans sa conférence d’ouverture : elle invite à " toujours penser et construire les projets au niveau d’un territoire et jamais de façon abstraite " et descendante. C’est l’idée qui sous-tend l’appel à projets e-FRAN qu’elle a lancé à cette occasion.

Le projet est ce qui permet l’échange et la fédération des énergies, des idées et des moyens autour de valeurs partagées. Il est l’émanation conjointe d’écoles et établissements scolaires, collectivités territoriales, entreprises, associations…en bref tous les acteurs de l’école présents sur le territoire.

Il s’inscrit dans le territoire et est fonction de besoins spécifiés et cela est fondamental. Les collectivités territoriales ne veulent pas ou plus jouer le seul rôle de fournisseur d’accès et de matériels : elles refusent d’être " des portes monnaies " selon la formule d’Anne Angeli , maire adjoint du Pré St Gervais et vice présidente de RPF ( réseau français des villes éducatrices). Elles souhaitent être associées à ces projets plus globaux destinés à rendre le numérique " désirable et acceptable " pour l’ensemble des population qu’elles abritent.

La question des inégalités 

Le thème est récurrent dans la bouche des participants et ce n’est sans doute pas la publication imminente dur rapport PISA qui va lui faire perdre de son actualité et de son importance. L’intervention remarquée de Madame Muy Cheng Peich, directrice de bibliothèques sans frontières, a bien résumé les enjeux en affirmant :

Il faut  donner à tous les jeunes des clés pour comprendre ce qui va se passer, pour dépasser le domaine des utilisations, pour devenir des acteurs du monde numérique. Il s’agit bien de donner des repères, une capacité d’analyse, les possibilités de créer…Il s’agit de donner à chacun la culture indispensable à une réelle appropriation des technologies et des usages affin que ceux-ci soient une solution (ou une partie de la solution) aux problèmes sociétaux et non un facteur d’aggravation de ces mêmes problèmes qui laisserait s’installer une société numérique à deux vitesses.

Le besoin des apports de la recherche

Le numérique et ses diverses implications doivent être pensés, évalués, compris en profondeur. Il y a donc un impérieux besoin de travaux de recherche : travaux sur les usages du numérique, travaux sur les besoins des utilisateurs (en ressources notamment), travaux sur la dimension économique, travaux sur la dimension éducative, travaux sur la dimension sociale, travaux sur la médiation…

Ces préoccupations expriment aussi la nécessité de prendre du recul, de donner un peu de temps à ce développement accéléré des techniques et des usages pour conjurer la crainte qu’il devienne incontrôlable.

La multiplication des ressources

…et des portails qui y donnent accès. Qu’elles soient publiques ou privées, les offres de ressources numériques ont véritablement explosé au point que l’on peut nourrir quelques craintes pour l’individu confronté à une telle abondance. Plateformes collaboratives (CANOPROF par exemple) portails du ministère et du réseau Canopé (MYRIAE par exemple), produits de l’édition, on peut réellement parler d’un embarras du choix sans précédent…mais il faut sans doute, s’en réjouir. Dans le même domaine, l’offre de matériels et produits pédagogiques ainsi que de logiciels est énorme.

Un coup de cœur

D-clics numériques, projet d’éducation active auprès d’enfant de 8 à 14 ans, piloté par la Ligue de l’enseignement, propose de " découvrir le numérique de @ à # " et fixe trois objectifs : Découvrir, Décrypter, Diffuser. Le dispositif propose aussi des formations courtes aux enseignants et aux animateurs des collectivités intervenant dans les structures de loisir et le périscolaire. Les ambitions affichées sont bien " le partage, la construction collective des savoirs, la lutte contre les discriminations, le développement de l’esprit critique ". pour cela divers parcours sont proposés Webradio, coding et jeux video…voir le site http//d-clics numeriques.org.

J’ai bien conscience de n’avoir pas tout vu et peur d’avoir manqué l’essentiel. Je crains également d’avoir surtout retenu de cette profusion ce qui fait l’objet de mes propres préoccupations, ce que j’étais venu chercher, ce qui conforte ou bouscule ma perception du monde numérique. Mais j’ai été frappé par l’enthousiasme, l’inventivité, le mouvement, la créativité qui se dégage des lieux, des stands, des participants. C’est là un monde nouveau qui se cherche bien sûr mais qui avance indéniablement et la préoccupation est forte de laisser le moins d’individus possible sur le bord du chemin.

Jacques Puyou

Dernière modification le mercredi, 30 novembre 2016
Puyou Jacques

Professeur agrégé de mathématiques - Secrétaire national de l’An@é