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Visiblement choqué par les résultats de l’enquête PIRLS[1], le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, rencontrait la presse le 5 décembre pour prendre acte d’une situation alarmante qui confirme les résultats précédents de l’enquête PISA.

La Russie, Singapour, Hong Kong, l'Irlande et la Finlande occupent les premiers rangs, tandis que le Maroc, l'Egypte et l'Afrique du Sud arrivent en fin de liste.

La France réalise un score de 511 points (540 points pour la moyenne européenne), qui la classe au 34ème rang mondial, au-dessus de la barre des 500 points fixée comme étant la moyenne des performances des pays participants, une moyenne en constante baisse.

Les résultats traduisent une baisse générale des capacités des élèves français à lire un texte et à le comprendre, avec une baisse notable de 21 points sur la compétence " interpréter et apprécier ".

Ces résultats sont pour le ministre une nouvelle fois le reflet des inégalités sociales et de l’échec des enfants issus des milieux les plus modestes. " On ne peut pas s'y résoudre " affirmait-il, déterminé à tout mettre en œuvre pour porter assistance aux enfants en difficulté et à leurs familles. L’école et la société doivent donc se mobiliser afin de redresser la barre, autour de la compétence de lecture et de compréhension qui détermine toutes les autres.

Jean-Michel Blanquer annonce un " plan d’action " en plusieurs mesures.

Il souhaite ainsi promouvoir un " enseignement systématique et rigoureux de la grammaire et du vocabulaire pour une orthographe solide " : une dictée quotidienne en primaire, la pratique systématique de la lecture dans toutes ses composantes (à haute voix, récitation, lecture silencieuse), le dédoublement des classes de CP et de CE1, d’abord en REP et REP+ qui sera ensuite étendu à toutes les écoles publiques, des évaluations régulières et une mise en cohérence générale autour de ces objectifs.

Il est important aussi de transmettre le goût de la lecture, encourager des initiatives comme celles portées par Alexandre Jardin " Lire et faire lire "  ou l’association " Silence on lit ". Il faut aussi promouvoir une alliance entre l'école et la famille autour des Bibliothèques qui jouent un rôle essentiel. Françoise Nyssen, ministre de la Culture, a confié à Erik Orsenna, une mission d’ambassadeur auprès de tous les acteurs locaux, élus, professionnels intervenant dans le champ de la lecture publique, tout particulièrement dans les zones rurales. Le ministre annonce pour sa part une prochaine mission de l’Inspection générale sur les bibliothèques.

A l’instar des pratiques menées au niveau international le ministre souhaite introduire une culture de l’évaluation qui " doit être celle de l'aide et du soutien " afin que l’école se donne les moyens d’appréhender les difficultés réelles des élèves.

" Nous allons progresser grâce aux évaluations. Les évaluations nationales sont bonnes pour le système, comme les évaluations internationales. Nous irons plus loin avec des évaluations repères au début d'année, puis des évaluations d'étape en cours d'année au CP, puis au CE1, évaluations étendues au début de la sixième comme celles réalisées en novembre sur tablettes. Avec des évaluations renforcées en éducation prioritaire. Il s’agira de tests et de points d’étape légers, faciles à faire passer. "

L’ensemble de ces mesures s’articule autour d’un axe fort constitué par trois piliers :

le Conseil Scientifique présidé par Stanislas Dehaene;

le CNESCO (Conseil National d’Evaluation du Système scolaire) présidé par Nathalie Mons;

le Conseil Supérieur des Programmes, présidé par Souâd Ayada (IGEN).

Chacun de ces Conseils devra contribuer à sa manière à promouvoir des progrès significatifs dans les méthodes d’enseignement (le ministre parlera désormais de l’apport des " sciences cognitives ") permettant d’accroître les compétences scolaires des jeunes français. Les programmes d’enseignement devront être  à leur tour " clarifiés " pour "ajuster et préciser ce qui doit être acquis à chaque cycle d’enseignement. " Ils fourniront aussi les bases de l’édition de manuels scolaires véritablement adaptés à l’atteinte de ces ambitions.

La question de la formation initiale des professeurs doit être aussi prise en compte, notamment à l’occasion de la conférence prochaine des directeurs des ESPÉ [2], car il convient de rechercher une égalité dans ce qui sera donné aux professeurs en matière de formation de la lecture. " Il n’est pas normal aujourd'hui que le nombre d'heures soit aussi différent d'une ESPÉ à l'autre. Je veillerai à ce que le nombre d'heures de formation soit respecté partout. "

La liberté pédagogique et la liberté de l’édition seront mises à l’épreuve des ambitions de " l’école de la confiance " : les éditeurs et les professeurs joueront-ils le jeu ? En effet, la mise en œuvre d’une grande part de ce plan d’action repose sur la confiance de la société à l’égard de l’école, et du ministre à l’égard des professeurs … et réciproquement.

Mais qu’il nous soit permis ici sur Educavox de suggérer que le numérique pourrait être davantage mis à contribution, autrement que de manière indirecte dans la référence faite aux évaluations sur tablettes ou au prolongement numérique des manuels scolaires. La lecture et le goût de la lecture auraient beaucoup à gagner des usages autonomes des livres numériques augmentés de liens hypertextes ou de tests de compréhension, de compléments d’informations lexicales ou grammaticales etc. Les procédés développés par l’intelligence artificielle offrent aussi d’excellents moyens d’individualiser les apprentissages en les adaptant aux besoins et lacunes constatées chez les élèves.

Les voies de la lecture sont multiples et certaines passent, n’en doutons pas, par le numérique.

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[1] L'enquête internationale PIRLS (Programme International de Recherche en Lecture Scolaire) évalue les performances en lecture des écoliers de 9 à 10 ans ayant suivi 4 années de scolarité obligatoire dans 50 pays depuis 15 ans. 320.000 enfants ont été testés.

[2] ESPÉ : Écoles Supérieures du Professorat et de l’Éducation

Le communiqué de presse

DP_05122017_Maitriser_le_francais.pdf

Dernière modification le dimanche, 29 juillet 2018
Pérez Michel

Président national de l'An@é de 2017 à 2022. Inspecteur général honoraire de l’éducation nationale (spécialiste en langues vivantes). Ancien conseiller Tice du recteur de Bordeaux, auteur de nombreux articles et rapports sur les usages pédagogiques du numérique et sur la place des outils numériques dans la politique éducative.