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Article publié le 10 juillet 2013 par Matthieu Cisel sur son site EducPros.
 
Ca y est, la décision est prise, vous vous lancez dans l’organisation d’un MOOC. Un enseignant est prêt à prendre en charge le cours. Il est temps de faire la première réunion pour commencer à cadrer le projet. Comment organiser cette réunion ? Quel ordre du jour fixer ? Quelles sont les questions à résoudre en priorité ? Quelques conseils pour bien démarrer…
Première étape : cadrer le projet. Qui doit assister à cette première réunion ? Il y a bien sûr l’enseignant. Dans l’idéal, il faut aussi un des responsables de l’établissement qui l’emploie, car cette réunion a une dimension stratégique. Enfin, il faut que quelqu’un joue le rôle de chef de projet dans les premières étapes du MOOC si l’enseignant n’a pas le temps de le faire. C’est parfois un ingénieur pédagogique, parfois un doctorant, à vrai dire peu importe.
 
La question qu’il faut se poser en priorité c’est Quel est l’objectif du cours ? Elle s’adresse essentiellement à l’enseignant et à la direction de l’établissement. Le but est-il de transmettre des connaissances ? Favoriser la création d’une communauté de pratique ? Obtenir de la visibilité à l’international ? Générer des revenus ? Générer des connaissances ? Détecter des talents ? (cf. le billet Pourquoi faire des MOOC ?) Une fois l’objectif clairement défini, on peut décider du type de MOOC correspondant : xMOOC pour une pédagogie transmissive classique, cMOOC connectiviste pour un cours plus informel et plus axé sur la communauté. La question de la pédagogie (pédagogie par projet, par résolution de problèmes) viendra plus tard. En revanche, celle du public est primordiale. Quel est le niveau de pré-requis, s’adresse-t-on à un public très spécifique ou au contraire à une audience assez large ? Quelle est la langue d’enseignement, l’anglais ou le français ? Est-ce un format de cours universitaire ou un format davantage proche du cours de vulgarisation ? Je vous renvoie au billet Une typologie des MOOC pour ces considérations. Le type de cours choisi aura un impact certain sur l’image de l’établissement, le choix n’est donc pas anodin.
 
Il n’est pas encore temps d’aller dans les détails (durée, scénarisation, contraintes) car il y a d’autres questions à régler en priorité. Par exemple : la question de la plate-forme. Quelle solution technique choisir ? Ce choix a parfois été pris en amont par la direction de l’établissement, mais pas toujours, car il peut dépendre du type de cours proposé et l’enseignant a également son mot à dire. Va-t-on aller sur les célèbres plates-formes américaines edX ou Coursera, avec ce que cela implique, ou davantage vers des plates-formes moins connues, moins visibles, mais avec moins d’implications politiques (Canvas.net, etc) ? Ou choisit-on d’héberger le cours en local sur une plate-forme que l’on maîtrise (Moodle ou autre), avec ce que cela implique (capacité de charge, investissement de la DSI, etc) ? Il existe un certain nombre de possibilités. Nous en avons discuté dans les billets Comment choisir sa plate-forme , Où héberger son MOOC ? et A-t-on besoin d’une plate-forme française ?
 
Une fois la question de la plate-forme réglée, se pose la question de la certification. Décide t-on de donner un certificat, ou même plusieurs types de certificat si on propose une pédagogie différenciée ? Ce certificat est-il gratuit ou propose t-on un certificat payant ? Si le certificat est payant, est-il uniquement obtenu à distance (cf. Udemy ou Coursera) ou via des centres d’examen (Pearson, etc) ? Le cours est-il utilisé en interne, c’est à dire intégré dans le cursus des étudiants de l’établissement, ou uniquement tourné vers l’extérieur ? On peut même envisager de faire payer l’entrée dans le MOOC (et non pas uniquement le certificat qui correspond à la sortie), ou toute autre forme de modèle économique. Cependant, nous sommes encore dans une dynamique de MOOC gratuits et il est risqué de chercher à faire payer les participants en l’état actuel des choses, sauf exception.
 
Vient ensuite l’étape des objectifs quantifiés : Combien d’inscrits attend-on ? Sur Coursera avec un cours en anglais, on peut viser 50.000 inscrits ; pour un cours en français, plutôt 5.000 à 10.000, cela dépend du type de cours et du sujet traité. Hors Coursera, il ne faut pas chercher à viser trop haut. Plus de 3.000, c’est déjà un succès. Quel est le taux de certification que l’on souhaite atteindre ? Ce taux est en général de moins de 10% pour les plates-formes comme Coursera. Nous étions montés à 37 % pour le certificat basique et autour de 15% pour le certificat avancé dans le cadre du MOOC Gestion de Projet, grâce à une pédagogie différenciée. Le nombre d’inscrits dépendra donc en grande partie du type de cours (généraliste vs. spécialiste) et du choix de la plate-forme (en particulier de sa visibilité), et de l’efficacité de la campagne de communication. Le taux de certificationdépendra du type d’activités proposées, de la qualité de l’encadrement et de la pédagogie, et du type de public inscrit.
 
Dernière question : le point le plus sensible sans doute, la question des moyens, et donc de lafaisabilité. Nous avons vu dans les billets précédents (Monter son MOOC en 7 étapesMOOC : une brève étude de faisabilité) que les moyens nécessaires à l’organisation d’un MOOC sont considérables. Il est nécessaire de s’assurer que chaque lot de travail aura un responsable. L’enseignant a-t-il au moins une centaine d’heures à accorder à la conception du cours magistral ? Peut-il également prendre en charge la conception des activités, devoirs et examens, ou cette tâche peut-elle être attribuée à un ou plusieurs doctorants ? Qui sera le chef de projet ? Cela peut être l’enseignant en charge, mais c’est une tâche qui prend beaucoup de temps ; il faut donc envisager des alternatives. Qui se chargera du recrutement des participants et de la communication ? De l’animation et de l’encadrement du cours ? Qui se chargera de faire le bilan et la valorisation ? Là encore des étudiants peuvent prendre en charge une partie du travail. Comment rétribuer tout ce petit monde ? Il faudra sûrement négocier.
 
Si on décide d’engager des moyens importants et notamment une équipe technique pour le tournage et le montage du cours, les moyens nécessaires sont-ils disponibles, en termes de matériel comme en termes d’équipe technique ? Qui se chargera du recrutement de toute cette équipe ? L’administration, le service juridique et le service de communication de l’établissement seront-ils disponibles lorsqu’ils devront intervenir ? Cerise sur le gâteau, y a-t-il un chercheur disponible pour suivre et analyser les données ?
 
J’ai en partie suivi la démarche du Cahier des Charges fonctionnel proposé par Rémi Bachelet, et je me situe encore une fois dans le cadre du cours académique. Nous sommes loin d’avoir résolu tous les problèmes mais on ne peut pas tout régler en une fois ; nous y reviendrons dans les billets à venir. Une fois la réunion terminée, quel travail y-a-t’il à faire jusqu’à la prochaine réunion ? Tout d’abord, valider que tous les choix effectués sont effectivement pertinents. Le chef de projet devra contacter toutes les parties prenantes (les différents services de l’établissement), lancer le processus de recrutement de l’équipe, et la personne compétente devra contacter l’hébergeur pour l’examen des contrats.
 
Voilà de quoi meubler une première réunion je pense…
 
Photo Credit : mnadi via Compfight cc
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