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Lorsque l’on croise des podcasts et des conférences autour de la question des liens entre culture et numérique de l’année écoulée, voilà ce qu’on peut en retenir avec comme fil rouge la problématique suivante : disposons-nous du recul nécessaire pour définir la culture ou les cultures numériques ?

1. La culture numérique serait générative et ouverte, elle n’est pas seulement reconnaissable à sa dimension patrimoniale.

Elle co-construit avec d’autres cultures. Il s’agit d’une culture d’identités parallèles. Elle introduit de nouvelles pratiques en plus du lire, écrire, compter : il faut savoir créer, chercher et permettre la co-construction. Le numérique n’est pas un outil, mais un nouveau milieu du savoir. Il s’agit d’une technologie intellectuelle au sens où le définit Jack Goody dans La raison graphique.
 

2. Par définition, le numérique permet la mémorisation et la diffusion dans l’espace et dans le temps.

Le numérique ouvre les portes d’une culture de la publication. Le rapport à la culture change : on passe du spectateur à l’amateur. L’amateur pratique aussi, partage. Les acteurs sont à la fois consommateur, créateur et diffuseur.

3. La culture se modifie, le numérique permet cette modification du document.

Pour cela, il faut savoir "computer", à savoir jouer avec l’algorithme. La modification permet de construire de nouveaux outils, regards et contenus. La conversion est au coeur de la culture numérique : de format en format, de forme en forme, d’évoluer dans l’interopérabilité.
 

4. La culture numérique se caractérise par des articulations d’échelles culturelles différentes entre le supranational, le national et le local.

Mais il manque une vision de l’avenir de la vie de l’esprit dans le numérique pour construire une nouvelle civilisation. Il faudrait dépasser le mimétisme comme sur les réseaux sociaux actuels.
 

5. L’accès à la culture numérique pour les jeunes pose des enjeux énormes en termes d’employabilité et de citoyenneté.

Il faut éviter les ruptures dans la compétitivité, dans la construction de soi, dans l’implication dans la vie de la cité en tant qu’acteur.
 

6. L’élitisme rime avec une économie de prestige lié à la rareté, inverse à la culture numérique basée sur l’intelligence collective.

On passerait d’une culture hiérarchique à une culturehorizontale. Il existerait des formes d’incompréhension entre des subcultures et métacultures contre une culture légitime. La culture numérique s’oppose à l’idée que l’information est un secret détenu par certains : elle doit être publique et soumise à la critique pour lui donner de la valeur.
 

7. Il existerait une confusion entre le numérique et la télévision qui nourrit un imaginaire négatif lié à l’écran.

Contrairement aux autres écrans, le numérique permet de médier, de transmettre et de produire des contenus. On serait confronter à un problème dans le rapport à l’objet informatique. 
 

8. Le numérique permet l’appropriation des données, de l’information pour sortir de la flânerie et de l’errance.

Il y a une obligation d’initiative pour construire des chemins de la connaissance singuliers.
 

9. La numérisation des savoirs permet des économies d’échelles sous forme d’enjeux géopolitiques très importants.

La France doit développer un accès à la culture comme bien public, accessible à tout le monde.
 

10. Pour finir par de l’opérationnel, Bruno Devauchelle fait 4 propositions pour repenser les lieux de savoir à travers la culture numérique (et ici notamment l’école et le formation des enseignants) :

  • repenser les espaces temps d’activité de l’enseignement et de la formation.
  • favoriser l’articulation entre pratiques personnelles et pratiques professionnelles.
  • mettre en veille les enseignants sur la connaissance de l’évolution culturelle liée au numérique, aux sciences et techniques.
  • ne pas faire de la culture ou des cultures des ilôts de résistance mais des espaces de libération, individuelle et collective.
Sources
Place de la Toile de Xavier de la Porte avec Divina Frau-Meigs, François Taddéi et Pierre-Antoine Bataille, décembre 2012.
Place de la Toile de Xavier de la Porte avec Marc Le Glatin, Hortense Vinet, Olivier Tesquet, février 2013.
Du grain à moudre d’Hervé Gradette avec Pierre Moeglin, Bernard Stiegler, Marianne Baby, mars 2013.
Milad Douehei à l’ESEN, avril 2013.
Bruno Devauchelle à l’IUFM de Montpellier, juillet 2013.
L’invité des Matins de Marc Voinchet avec Bernard Stiegler, juillet 2013.
 
Publié initalement sur mon blog.
Dernière modification le mercredi, 17 mai 2017
Tavernier Jeff

Professeur, formateur et chargé de mission