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« People ask me to predict the future, when all I want to do is prevent it. Better yet, build it. Predicting the future is much too easy, anyway. You look at the people around you, the street you stand on, the visible air you breathe, and predict more of the same. To hell with more. I want better. » Ray Bradbury, Beyond 1984: The People Machines, 1979

L’Intelligence Artificielle peut être vécue comme une menace, que l’on cherche à relativiser en parlant de cobot, terme qui enchante de façon caricaturale une simple relation utilitariste entre un opérateur et un outil.

On peut aussi la voir comme une nouvelle espèce sur terre, dont on n’a pas spécialement à connaître les moeurs, ni à s’inquiéter. Elle pourrait apparaître enfin comme un élément qui nous pousse à aiguiser notre esprit critique et nos qualités humaines, non pas en la considérant comme un double plus fort, plus puissant et plus intelligent de nous-même, mais comme un binôme stimulant.

DeepMind, qui avait conçu Alphago, capable de battre au jeu de go les plus grands champions, puis MuZero, assez puissant pour défaire des champions de go mais aussi d’échecs sans connaître les règles du jeu ni avoir vu une seule partie, lance AlphaCode. (1) {Deepmind s’intéresse aux développeurs. AlphaCode, sa dernière intelligence artificielle, est capable d’écrire du code informatique aussi bon que celui d’un développeur humain moyen… pour l’instant.A lire : https://www.01net.com/actualites/alphacode-la-nouvelle-ia-de-deepmind-code-aussi-bien-qu-un-developpeur-humain-2054310.html]

Cette IA se révèle capable d’écrire du code informatique aussi bon que celui d’un développeur humain.

Et ce n’est qu’un début. Pour pouvoir mesurer ce résultat, AlphaCode a été confronté à des dizaines de défis, au même titre que des humains et selon des « briefs » humains, c’est-à-dire des énoncés, des textes tout bêtement composés de phrases, en anglais, dans le cadre de compétitions hébergées sur Codeforces, une plate-forme qui organise des battles (2) et des classements entre développeurs humains. Une approche « tournoi » de la programmation, en quelque sorte. Résultat ? AlphaCode se place parmi les 28% des meilleurs compétiteurs.

Les problèmes à résoudre demandent « un esprit critique, de la logique, des algorithmes, du code et du langage naturel », selon DeepMind. Autant dire des qualités qui dépassent par leur complexité celles d’un IA classique, formidable pour des tâches très précises et étroites mais très loin d’être multi-talentueuses, là où un humain peut exceller en maths mais aussi au piano et à la préparation d’un risotto aux cèpes.

En fait, Alphacode, selon Oriol Vinyals dans The Verge, le chercheur en charge du projet, se prête assez bien à une approche à géométrie variable : « Sur le long terme, nous sommes enthousiasmés par le potentiel d’AlphaCode pour aider les développeurs et non-développeurs à écrire du code, en augmentant leur productivité ou en créant de nouvelles façons de concevoir un logiciel. »

Car l’originalité ici réside dans la capacité par la machine à faire preuve « d’esprit critique » au sens où elle s’attaque à de tous nouveaux problèmes, qu’elle découvre, pour laquelle elle n’a pas été programmée. Tout en créant du code neuf, c’est-à-dire sans copier-coller des morceaux de codes puisés dans sa phase d’entraînement. Dans quel but ? DeepMind répond clairement : « For artificial intelligence to help humanity, our systems need to be able to develop problem-solving capabilities ».

Paradoxalement, plus l’IA semble proche de notre manière de réfléchir et de prendre en compte un problème original, plus elle se banalise et perd de son aura maléfique, devenant un partenaire de jeu tout à fait fréquentable et susceptible d’exciter nos neurones. Loin d’une IA dont on se méfie parce qu’on compare en vain sa puissance à la nôtre ou d’une IA autarcique.

Notre intention et notre capacité à penser l’abstrait, couplées à la possibilité de bénéficier d’une stimulation intellectuelle proposée par ce type d’IA, laissent entrevoir des capacités plus fortes à résoudre des problèmes inédits. Ce qui peut se révéler très utile face à la multiplication des défis dans des domaines totalement différents : géopolitiques, climatiques, philosophiques. Et technologiques : car l’une des caractéristiques de l’innovation, c’est qu’elle peut provoquer des problèmes, fournir des solutions mais surtout, elle redéfinit tous les paramètres de notre perception du monde.

On peut considérer que l’innovation découvre au sens propre, met au jour ces notions qui existaient, mais sans qu’on en ait conscience, comme des ruines sous une ville en construction.

L’innovation est alors l’archéologue du futur. Ou alors ces notions n’existaient pas, elles sont ajoutées au monde : dans ce cas l’innovation met au monde, elle est l’accoucheuse du futur. Archéologue ou accoucheuse, dans les 2 cas l’innovation renouvelle nos sociétés de manière quasi organique, comme notre corps nos cellules. Elle modifie nos perspectives, nos grilles de lecture et de compréhension. Vitesse, puissance, accès à des dimensions ou des notions qui littéralement ne faisaient pas partie de notre vie, comme le quantique par exemple.

« Il s’agit vraiment d’une technologie de déblocage » affirme le Dr Serwan Assad à propos de cette avancée décrite dans la revue Nature en janvier 2022. Le quantique, un champ d’investigation illimité et loin d’une utilisation quotidienne.

Et pourtant, une équipe de l’UNSW de Sidney a prouvé, avec Silicon Quantum Chip (3), qu’il pouvait tenir sur des processeurs à base de silicium compatibles avec la technologie actuelle des semi-conducteurs.

Les implications ? Non seulement l’informatique quantique semble approcher ainsi de la fabrication à grande échelle et de l’application concrète, mais il se distingue par une précision de haute volée :

« Nos opérations sont exemptes d’erreurs à 99% », se félicite le professeur Andrea Morello, qui a dirigé les travaux, en tirant déjà des conclusions pour la suite : « Lorsque les erreurs sont si rares, il devient possible de les détecter et de les corriger lorsqu’elles se produisent. Cela montre qu’il est possible de construire des ordinateurs quantiques qui ont suffisamment d’échelle et suffisamment de puissance pour gérer des calculs significatifs ».

Cette nouveauté, l’informatique quantique robuste et fiable dans le silicium, doit à présent passer le cap de l’usage. Pour qui ? Pour quoi ? Et pourquoi ? Ce fameux 1% d’erreur reste seulement une prouesse d’ordre technique. Mais une fois sortie du labo pour plonger dans le grand bain de l’usage, cette innovation aura aussi un taux d’erreurs qui dépendra pour le coup, de notre intention. Et seulement d’elle.

Extrait de la version numérique du livre des tendances 2022 de l’Observatoire Netexplo « Unscripting Tomorrow » . Nos remerciements à Sylvain Louradour, Directeur associé de Netexplo et à Thierry Happe, président co-fondateur Netexplo.

NOTES

(1) - Etats-Unis, captation Netexplo N100 2022

(2) - 2044 : Plus aucun humain ne code et un enfant de 4 ans peut créer son propre jeu vidéo simplement par la voix. Dans le domaine des formations, étudier les deep techs permet de prévoir, sinon prédire quelles compétences sont appelées à durer ou disparaître, prises en charge par la machine.

(3) - Australie, captation Netexplo N100 2022

NETEXPLO Observatory

Dernière modification le dimanche, 20 novembre 2022
Desvergne Marcel

Vice-président de l’An@é, responsable associatif accompagnant le développement numérique. Directeur du CREPAC d'Aquitaine,  Délégué général du Réseau international des universités d'été de la communication de 1980 à 2004, Délégué général du CI’NUM -Entretiens des civilisations numériques de 2005 à 2007, Président d’Aquitaine Europe Communication jusqu’en 2012. Président ALIMSO jusqu’en 2017, Secrétaire général de l’Institut du Goût de la Nouvelle-Aquitaine.