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C'est mercredi 14 février 2018, lors du conseil des Ministres, que Jean-Michel Blanquer, Ministre francais de l'Education nationale, devrait présenter officiellement sa double réforme du lycée et du baccalauréat. En fait, il semble bien que cette présentation ne concernera que fort peu la réforme du lycée.

Elle sera presque exclusivement consacrée à la réforme du baccalauréat. Si cette annonce est confirmée, elle décevra fortement les très nombreuses personnes qui attendent de connaître avec précision ce que sera le futur Lycée en France.

Pourquoi une telle façon de procéder ?

Il se trouve qu'alors que le projet de réforme du baccalauréat recueille une large adhésion, c'est nettement moins le cas en ce qui concerne le projet de réforme du lycée. Le Ministre ressent donc le besoin de prolonger la phase des négociations concernant cette dernière et de se donner plus de temps pour boucler ce dossier.

Cela était prévisible. Passé le temps des diagnostics sur les dysfonctionnements du lycée actuel, des définitions d'objectifs généraux largement consensuels, il allait bien falloir aborder des questions plus clivantes, à propos desquelles des crispations et oppositions diverses ne manqueraient pas de s'exprimer, telles celles relatives aux horaires et programmes de chaque discipline, au débat sur le choix entre maintien des séries ou passage à une organisation modulaire, à la question de savoir si on conserve une voie technologique spécifique ou si on fusionne les voies gênerale et technologique, à l'organisation des emplois du temps des enseignants et des élèves, l'articulation entre les enseignements de tronc commun et les enseignements au choix, les modes d'évaluation des élèves, le nouvel équilibre à trouver entre les enseignements traditionnels et les actions éducatives transversales (notamment : l'accompagnement des projets d'orientation des familles), l'évolution des missions du lycée, le développement de l'interdisciplinarité et donc du travail en équipe des enseignants, l'inévitable débat (très explosif en vérité) sur la possible annualisation des services, l'évolution du referentiel "métier d'enseignant en lycée" que cette réforme ne manquera probablement pas d'entraîner, et bien d'autres questions plus ou moins sensibles.

Petit à petit, on a pu constater que les réserves, et même les oppositions au projet de réforme - globalement ou pour divers aspects plus ponctuels - ont commencé à s'exprimer, et à progressivement prendre de l'ampleur, donnant le sentiment que ce projet de réforme nécessite un temps de négociation/réflexion plus long.

De fait, la lecture de divers compte-rendus d'audience récents (depuis le début du mois de février), tels ceux que viennent de faire connaître les associations des professeurs de philosophie, de biologie/svt, de sciences économiques et sociales, et quelques autres, témoignent de la volonté des autorités ministérielles d'avancer de façon très prudente en ce qui concerne la réforme du lycée. On y trouve fréquemment l'annonce que "les arbitrages concernant la nouvelle architecture du lycée ne sont pas encore pris".

Certains de ces compte rendus évoquent l'hypothèse que le Ministre aurait renoncé au découpage de l'année scolaire par semestre, afin de ne pas obliger les chefs d'établissements à remanier les emplois du temps des enseignants en cours d'année scolaire.

Bien plus, "on pourrait garder les séries", en les ramenant à deux dans la voie générale : une série scientifique et une série "littérature et humanités" qui regrouperait les actuelles séries ES et L.

Il en irait de meme pour la voie technologique et ses diverses filières composantes. Dans chaque filière, les enseignements seraient repartis en trois types d' "unités" : l'unité générale (le tronc commun), l' unité d'accompagnement (les actions éducatives dédiées à l'orientation, les heures qui seront consacrées à la préparation de l'épreuve du grand oral au baccalauréat, les travaux en petits groupes, etc.), et une "unité d'approfondissement et de complément" qui regrouperait les enseignements complémentaires au choix. 

Ce dernier point serait une très grosse surprise tant il semblait acquis qu'on se dirige vers la fin des séries et leur remplacement par un lycée organisé de façon modulaire. Surtout, cela pourrait être considéré comme un recul par rapport au projet très novateur qui semblait devoir être retenu jusqu'à il y a peu de temps, et qui est celui proposé dans le rapport Mathiot récemment remis au Ministre et largement diffusé.

 Il faut cependant rappeler que la "commission Mathiot" ne disposait que d'un pouvoir consultatif. Le Ministre n'est en rien tenu d'en suivre intégralement les recommandations. Autrement dit : la commission Mathiot propose, le Ministre dispose !

Sauf surprise, la communication que fera ce mercredi le Ministre ne lèvera donc que très partiellement le voile sur ce que sera la réforme du lycée. Les négociations et la réflexion ministérielle vont se prolonger jusque vers la deuxième quinzaine de mars. Il faudra donc très probablement encore patienter avant de connaitre avec précision ce que sera le nouveau lycée.

Bruno Magliulo

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Dernière modification le jeudi, 15 février 2018
Magliulo Bruno

Inspecteur d’académie honoraire -Agrégé de sciences économiques et sociales - Docteur en sociologie de l’éducation - Formateur/conférencier -

(brunomagliulo@gmail.com)

Auteur, dans la collection L’Etudiant (diffusion par les éditions de l’Opportun : www.editionsopportun.com ) :

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