fil-educavox-color1

Essai de mise en place de la classe inversée et de l’évaluation choisie en collège.
David Bouchillon, Professeur d’Histoire Géographie et Education civique au Collège Aliénor d’Aquitaine, Salles, en Gironde nous communique son expérience et son cheminement vers la classe inversée.
 
Les enseignants se plaignent souvent, moi aussi d’ailleurs, de l’absence de motivation des élèves, de leur absence d’intérêt pour leurs apprentissages. Il faut dire que la passivité des élèves en classe, le manque de travail à la maison pourrait confirmer ces plaintes. C’est de ce constat que je suis parti il y a maintenant deux ans.
 
De l’évaluation par compétences...
 
Depuis plusieurs années, j’ai tenté à plusieurs reprises de mettre en place le travail et l’évaluation par compétences. Toutefois, j’ai buté alors sur deux obstacles. Le premier résidait dans la difficulté d’utiliser le livret de compétences, très redondant notamment en Histoire Géographie et Education civique. Le second tenait à la difficulté de mettre en œuvre l’évaluation par compétences sans un outil informatique simple.
 
 
Ces deux difficultés ont disparu avec l’année scolaire 2010-2011 en découvrant le logiciel en ligne Sacoche et par la décision de m’affranchir du livret de compétences et de privilégier les capacités et compétences du programme d’Histoire Géographie Education civique.
 
Rapidement, une nouvelle contrainte que l’on constate aisément avec l’évaluation par compétences est apparue : la difficulté de mettre tous les élèves au travail. Le même « menu pour tout le monde » s’est avéré très vite impossible. C’est ainsi que j’ai été embarqué dans l’évaluation par groupes de compétences. Trois groupes au sein d’une même classe et voilà l’intérêt des élèves les plus en difficulté qui commence à s’éveiller.
Quelques mois se sont écoulés ainsi, en passant d’une évaluation trop importante au début à une évaluation plus raisonnable.
 
Toutefois, même si des efforts étaient notés de la part de tous les élèves, je n’étais pas totalement satisfait du résultat, il manquait quelque chose à tout cela.
 
à la classe inversée....
 
En début d’année 2012, j’ai découvert via des blogs une forme de pédagogie particulière : la classe inversée. Inverser les cours, ce fut pour moi rapidement une évidence. Après quelques mois de tâtonnements, à l’occasion de la rentrée scolaire 2012, j’ai décidé de mettre en place à grande échelle la classe inversée.
 
La classe inversée consiste comme son nom l’indique à inverser le concept traditionnel de l’école : leçon en classe, activités, exercices à la maison. Avec la classe inversée, la présence du professeur est utilisée au maximum pour réaliser des activités, mettre en activité les élèves, les rendre acteur de leur formation, les aider, individualiser.
Le travail à la maison, en amont, consiste à consulter des ressources (vidéos, site internet, lectures), copier quelques mots de vocabulaire, les titres... Tout le travail de compréhension est fait en classe en présence et avec l’aide du professeur. Le but d’une telle méthode est de réinvestir les élèves dans leurs apprentissages et d’aider et individualiser, ce qui n’est guère possible dans une configuration traditionnelle.
 
Pour mettre en œuvre tout cela, il me manquait un outil, une interface avec les élèves. Ce fut le plan de travail. Le plan de travail est devenu le cœur du dispositif : sa consultation systématique par les élèves est indispensable. Le plan de travail propose aux élèves une interface conviviale et intuitive de l’ensemble des activités menées pour une séquence. Celui-ci est placé sur mon site internet : iclasse130. Il se lit de haut vers le bas et de gauche à droite : travail à la maison et en classe sont totalement imbriqués.
 
Figure 1 : le plan de travail - A consulter dans le document joint -
 
Exemple (figure 1) : pour le cours de 3° d’éducation civique intitulé nationalité, citoyenneté française et citoyenneté européenne. Le programme invite à traiter ce point en 3 heures.
Durant la 1ère séance, les élèves doivent au préalable à la maison (1ère colonne) copier le titre de la leçon, visionner une vidéo (la vidéo intègre des questions grâce au service en ligne Teachem) et copier des mots de vocabulaire (ces derniers seront utilisés et réexpliqués si nécessaire en classe.
Ensuite, en classe (2ème colonne), les élèves font une activité : "Comment devient-on Français ?".
 
Les activités menées en classe sont de différents types. Le travail se fait en groupe et n’a pas pour but d’être systématiquement évalué mais de comprendre une notion clairement explicitée au début de l’activité et du cours. Toutefois, celle-ci peut faire l’objet d’une évaluation ponctuelle. Par contre, la capacité à travailler en groupe (autonomie, calme, efficacité) est très souvent évaluée. Le but est de montrer aux élèves que leur implication se traduit par une évaluation immédiate.
 
 
Parmi les activités menées, la tâche complexe a une place de choix car elle s’intègre parfaitement à la classe inversée. En effet, "la tâche complexe est une tâche mobilisant des ressources internes (culture, capacités, connaissances, vécu...) et externes (aides méthodologiques, protocoles, fiches techniques, ressources documentaires...). Elle est l’association de connaissances fondamentales pour notre temps, de capacités à les mettre en œuvre dans des situations variées, d’attitudes indispensables tout au long de la vie, comme l’ouverture aux autres, le goût pour la recherche de la vérité, le respect de soi et d’autrui, la curiosité, la créativité » (source : Eduscol).
 
La tâche complexe est la mise en oeuvre d’une activité mettant les élèves face à un problème qu’ils doivent résoudre. Cela passe souvent par la mise en situation concrète :
 
Exemple d’une tâche complexe en Histoire-géographie, niveau quatrième :
"Nous sommes le 15 avril 1900, vous êtes journalistes au Petit Parisien illustré, l’un des plus importants journal hebdomadaire en 1900. A l’occasion de l’exposition universelle qui a été inaugurée par le président de la République Emile Loubet le 14 avril, votre directeur a décidé de faire une double page sur les entreprises Schneider qui ont construit un pavillon pour montrer leurs produits dans le journal du 22 avril. Pour réaliser son dossier, le rédacteur en chef a besoin d’un grand article sur la ville du Creusot, les installations industrielles, les transformations de la ville. Il vous envoie donc par chemin de fer au Creusot. Dépêchez-vous, vous devez retourner à Paris au plus vite pour livrer votre article qui devra comporter des illustrations.
 
Pour vous aider, il vous confie le dossier de presse dont il disposait à la rédaction (assez mal rangé d’ailleurs !!!) ainsi que la Une déjà réalisée. 
Vous avez carte blanche pour rechercher des informations partout (internet, manuels, dictionnaire...), vous disposez d’une heure 30.
 Si vous pensez que ce travail est trop difficile, vous pouvez demander de l’aide sous la forme de conseils.
 Si vous pensez que ce travail est trop difficile, vous pouvez demander une aide sous la forme d’un plan."
 
 
Les élèves peuvent bénéficier d’une aide à deux niveaux afin de leur permettre de réaliser la tâche complexe. Les tâches complexes sont régulièrement évaluées sous plusieurs angles, variables selon la consigne : savoir travailler en groupe (autonomie, efficacité, calme), comprendre une consigne, sélectionner les informations, sélectionner le bon support.
 
Enfin, régulièrement, les élèves sont mis en situation de travail individuel. Cela n’est jamais pour découvrir une notion mais pour en vérifier sa compréhension, la valider éventuellement. Dans ce cas, l’évaluation par compétences se fait de manière classique et peut aussi prendre la forme d’une évaluation par groupes de compétences.
 
et à l’évaluation choisie.
 
 
Rester à repenser l’évaluation.L’évaluation par compétences a les mêmes limites que l’évaluation traditionnelle : l’investissement des élèves. Si celui-ci est considérablement amélioré par la classe inversée, il restait insuffisant dans la reprise des acquisitions faites en classe.
Avec l’évaluation par compétences, je donnais depuis le début la possibilité de venir réévaluer une capacité non acquise. Et, régulièrement, je constatais qu’un élève qui venait volontairement pour être réévalué, réussissait pratiquement toujours. Régulièrement, je disais alors à l’élève : « tu vois, si tu avais appris dès le départ... ». Toutefois, la réalité est plus complexe. Le stress, la gestion des devoirs à la maison, les difficultés à apprendre des leçons nombreuses et importantes font que beaucoup d’élèves sont en échec au moment du « devoir de fin de chapitre » ou évaluation sommative. C’est de ce constat qu’est née l’évaluation choisie mais aussi des tentatives constatées dans le primaire.
 
 
Alors, qu’est ce que l’évaluation choisie ? Traditionnellement, le professeur choisit les questions et les élèves doivent y répondre à une date donnée. L’évaluation choisie consiste à proposer aux élèves de choisir les questions auxquelles ils veulent répondre et de le faire au moment qu’ils jugent opportun. En résumé, plutôt que de répondre à une série de questions à la fin du chapitre, les élèves pourront répondre aux questions d’une liste donnée dès le début du chapitre au moment où ils le veulent. Les questions correspondent évidemment aux capacités que l’enseignant souhaite faire acquérir. Dans tous les cas de figure, une évaluation finale permet de répondre aux questions restantes.
 
 
Les objectifs sont multiples. Tout d’abord, il s’agit de développer l’autonomie : ce sont les élèves qui choisissent d’être évalués et gèrent les temps d’apprentissage et d’évaluation. Cela les responsabilise dans leur réussite. Ensuite, cela permet aussi l’apprentissage régulier et approfondi des leçons : l’élève est mis dans la situation d’être acteur de ses apprentissages. C’est lui qui décide d’évaluer un item. Pour cela, il est forcément volontaire. Normalement, cela doit permettre de meilleurs résultats. Enfin, cela permet d’aider les élèves ayant des difficultés dans l’apprentissage des leçons. Les élèves ont des objectifs plus limités de connaissances immédiates.
 
 
De l’association de classe inversée et de l’évaluation choisie.
 
Le plan de travail est le lien évident entre la classe inversée et l’évaluation choisie. En effet, la classe inversée permet le travail sur des capacités précises. Lorsque celles-ci ont été travaillées en groupe lors de la phase d’activité en classe, il reste à l’élève à les valider. Cela se fait dans le cadre de l’évaluation choisie. A l’issue de l’activité en classe, les élèves doivent faire le point sur ce qu’ils ont appris avec la colonne « qu’est ce que j’ai retenu ? »(figure 1), apprendre la leçon, les définitions, relire les activités et peuvent s’autoévaluer à partir de quizz simples qui apparaissent dans la quatrième colonne (figure 1). Enfin, les élèves peuvent demander une évaluation. Les capacités évaluables sont indiquées dans la quatrième colonne (figure 1).
 
Matériellement, l’élève dispose d’un livret d’évaluation regroupant toutes les capacités à évaluer et il le récupère dès qu’il désire évaluer.
 
 
Figure 2 : un extrait d’un livret d’évaluation – document joint-
 
 
Le premier bilan.
 
Après un an de réflexion et six mois de pratique progressive jusqu’à sa mise en place complète, le bilan de la classe inversée et de l’évaluation choisie est extrêmement positif.
 
 
Le travail des élèves a fortement évolué. Auparavant, il y avait bien sûr des activités à réaliser en classe mais leur systématisation, leur généralisation a fait évoluer l’attitude des élèves face au travail en classe. Ils sont totalement impliqués dans les activités, construisent réellement leurs savoirs, bien sûr dans le cadre d’une activité guidée par le professeur. Les élèves paraissent contents de venir en classe et très motivés dans les activités. Il est à noter que les élèves en difficultés sont particulièrement motivés car mis en situation de réussite par le suivi plus important du professeur, par le travail en groupe et la différenciation. Le travail à la maison est dans l’ensemble fait car celui-ci est vérifié via les formulaires google associés aux ressources à lire, visionner. Les titres sont copiés de même que les définitions. Par ailleurs, ceux qui ont des difficultés à faire ce travail à la maison peuvent le faire en classe dans une heure de libre ou lors d’une récréation.
 
 
Le travail du professeur a fortement évolué aussi.Du professeur pourvoyeur de connaissances, celui-ci devient un organisateur des savoirs. La préparation des ressources et des activités est certes une étape très lourde mais réalisable. En effet, pratiquement chaque cours est accompagné d’une ressource à visionner ou lire en amont. A raison de 9h30 de cours "nouveaux" par semaine pour 3 niveaux en histoire-géographie, cela représente une charge de travail très importante : recherche de la ressource, calibrage (les vidéos doivent impérativement être courtes), mise en ligne, réalisation d’un questionnaire, réalisation d’un formulaire google, intégration de la vidéo et du formulaire dans une page web. Le changement le plus important réside dans la relation avec la classe. Le professeur devient un assistant, une aide, très présente pour tous les groupes car il doit valider toutes les réponses afin que les élèves puissent avancer dans l’activité et aider les élèves selon leurs difficultés. La validation par le professeur des réponses est très importante car l’activité devient à l’issue de celle-ci la trace écrite de l’élève. Désormais, le professeur ne donne plus de trace écrite traditionnelle. La trace écrite est celle de l’élève soit au travers des réponses aux questions, soit au travers d’un résumé à réaliser à la fin de l’activité, soit les deux, soit enfin au travers d’une reprise par la classe entière dans le cadre de la réalisation d’une carte mentale.
 
 
Les résultats des élèves est le point le plus délicat car il est difficile d’apprécier des progrès d’un groupe d’élèves. Comment les résultats de la classe auraient-ils évolués sans la classe inversée et l’évaluation choisie ? Par ailleurs, si l’on peut obliger un élève à réaliser un travail en amont, il est très difficile voire impossible au professeur d’obliger un élève à relire son cours, à l’apprendre. Toutefois, l’association de la classe inversée et de l’évaluation choisie semble être prometteuse.
Si l’on reprend les objectifs initiaux : autonomie, réinvestissement des élèves dans leurs apprentissages, on ne peut que constater des progrès très nets. Les élèves se mettent rapidement et efficacement au travail durant les activités, les travaux sont généralement très réussis, et les élèves semblent contents de venir en classe.
 
 
Maintenant qu’en est-il des résultats aux évaluations ?Il est à souhaiter que l’implication forte en classe rejaillissent sur les résultats finaux de l’élève. Un bilan plus poussé sera fait en fin d’année. Toutefois, de plus en plus d’élèves se manifestent pour être évalués dans le cadre de l’évaluation choisie. Certains élèves en difficulté obtiennent des résultats surprenants. Il est à noter que les élèves sont plus volontaires en 6° qu’en troisième. Néanmoins, de plus en plus d’élèves de troisième demandent l’évaluation et jouent le jeu.
 
 
Quel avenir pour une telle méthode ?
 
J’ai démarré volontairement discrètement afin de laisser du temps pour la mise en place. Aujourd’hui, la classe inversée et l’évaluation choisie sont pratiquées ouvertement et officiellement. Le chef d’établissement apporte son appui total et l’inspectrice est tout aussi enthousiaste. Ces deux soutiens sont précieux et confirment mes choix. Des collègues envisagent de pratiquer de la même façon en adoptant en bloc classe inversée et évaluation choisie et la classe 130 reçoit de nombreuses visites. Personnellement, je ne regrette pas l’investissement et le changement de méthode.
David Bouchillon, Professeur d’Histoire Géographie et Education civique au Collège Aliénor d’Aquitaine
Salles, Gironde

Capture d e cran 2013-03-21 a 20-43-41
 
Capture d e cran 2013-03-21 a 23-23-48
Dernière modification le jeudi, 20 novembre 2014
An@é

L’association An@é, fondée en 1996, à l’initiative de la création d’Educavox en 2010, en assure de manière bénévole la veille et la ligne éditoriale, publie articles et reportages, crée des événements, valorise les innovations, alimente des débats avec les différents acteurs de l’éducation sur l’évolution des pratiques éducatives, sociales et culturelles à l’ère du numérique. Educavox est un média contributif. Nous contacter.