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Grain de sel (8) - André Ouzoulias, ancien professeur d’IUFM, juge les nouvelles maquettes des concours catastrophiques. Pour lui, elles abaisseront le niveau des futurs professeurs. Le drame est peut-être encore plus grave qu’il ne le décrit.
Au lieu de profiter de la belle idée de refondation de l’école, pour refonder la formation, la repenser complètement, l’inscrire dans une vision prospective de l’école et de sa place dans la société, on a laissé les universités combattre pour retrouver leurs « parts de marché » et la possibilité de refaire ce qu’elles savent faire, massivement « du disciplinaire », sans chercher à faire du neuf.
 
Il est évident qu’il aurait fallu changer les contenus, introduire de nouvelles disciplines (la philo, la sociologie, l’histoire de l’école et des disciplines scolaires, l’anthropologie, etc.), imposer un changement radical de la pédagogie de la formation d’adultes futurs enseignants qui ont à penser plutôt qu’à appliquer, une réforme des pratiques de formation même dans les stages (passer du modèle applicationniste au modèle de la résolution de problèmes), etc. Il est évident qu’il faut donner une place particulière au numérique, non pas pour former à l’usage technique des outils mais pour réfléchir au fait que le numérique bouleverse les conceptions des apprentissages. On va se retrouver exactement comme avec les IUFM. On a effacé « Ecole Normale » sur le fronton, mais on n’a pas mobilisé les formateurs pour qu’ils fassent du neuf. On remplacera IUFM par ESPE…
 
Je précise qu’il ne s’agit ni de critiquer les EN qui ont fait leur travail dans le contexte et pour les finalités de leur époque, ni de critiquer les IUFM qui ont fait l’objet de procès souvent scandaleux de mauvaise foi. Certains IUFM ont réalisé des prouesses, ont innové, dans des cadres contraints, sous des pressions terribles du « monde disciplinaire » qui continuent à mépriser la pédagogie. Mais il n’y pas eu de réforme fondamentale de la formation, dans ses contenus et dans ses méthodes pour favoriser la construction d’une école nouvelle, adaptée à son temps et apte à affronter les enjeux du futur. J’ai le souvenir cuisant d’avoir été chahuté dans une assemblée de formateurs (futurs Piumf et EMF) quand j’ai expliqué qu’il faudrait un vaste plan de re-formation des formateurs avant de se lancer dans les IUFM. Comment ?! Re-former les formateurs ?! Mais ils n’en ont pas besoin. Ils savent puisqu’ils sont formateurs !
 
L’échec annoncé de la formation des enseignants, pointé par André Ouzoulias et reconnu par un grand nombre de responsables d’IUFM, laisse craindre le pire quant à la refondation. Faire des maîtres de demain avec les formations d’hier…Il est vrai qu’il est difficile de concevoir du neuf quand le maintien du vieux est imposé (programmes de 2008, autoritarisme, méconnaissance des capacités du terrain, ignorance de la base, etc).
 
Les lobbies disciplinaires, aidés des complicités de fait avec les conservateurs de toutes les couleurs, ont-ils gagné ? J’en connais qui vont triompher et d’autres qui vont pleurer.
 
Pierre Frackowiak
Frackowiak Pierre

Inspecteur honoraire de l’Education nationale. Vice-président de la Ligue de l’Enseignement 62. Co-auteur avec Philippe Meirieu de "L’éducation peut-elle être encore au cœur d’un projet de société ?". Editions de l’Aube. 2008. Réédition en format de poche, 2009. Auteur de "Pour une école du futur. Du neuf et du courage." Préface de Philippe Meirieu. La Chronique Sociale. 2009. Auteur de "La place de l’élève à l’école". La Chronique Sociale. Lyon. Auteur de tribunes, analyses, sur les sites educavox, meirieu.com. Prochainement, une BD avec les dessins de J.Risso :"L"école, en rire, en pleurer, en rêver". Préface de A. Giordan. Postface de Ph. Meirieu. Chronique Sociale. 2012.