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J’ai eu le privilège d’assister mardi 9 avril, invité gentiment par Ivan Diego Meseguer qui en est une des chevilles ouvrières, à l’inauguration d’une nouvelle chaire « Valeurs et politiques des informations personnelles  » à l’Institut Mines-Télécom Paris.
Se tenir au courant de la mise en œuvre des nouveaux enseignements universitaires est évidemment fort intéressant. En l’occurrence, cet envol l’est à d’autres titres encore :
  • parce que les informations personnelles, au croisement de problèmes nouveaux et eux aussi révolutionnaires, constituent un enjeu majeur de la société numérique : les « data », « open data », « big data »…
  • parce qu’il convient, en termes de recherche comme d’enseignement, d’y porter un regard essentiellement transdisciplinaire  ; que la problématique sociétale doit s’éclairer du droit, de la philosophie, des sciences sociales, des sciences économiques, des sciences de l’informatique…
  • parce que les partenaires de cette nouvelle chaire, présents à son lancement, sont l’Imprimerie nationale, BNP Paribas, Dassault Systèmes et la CNIL, assemblage hétéroclite s’il en est…
On le voit bien dans cet exemple, enseigner l’informatique indépendamment des conséquences sociétales qu’elle, les télécommunications et Internet, ont engendrées n’a plus le moindre sens. On le voit bien aussi, l’enseignement du numérique doit nécessairement s’imprégner de champs disciplinaires fort divers qui ont nécessité à coopérer voire, dans le cas du traitement et du contrôle citoyen des informations personnelles, données et identités publiques, à collaborer à la construction des mêmes objets d’enseignement et de recherche.
L’enseignement scolaire, premier et second degrés confondus, doit tirer des conséquences de ces évolutions majeures et paradigmatiques :
  • en cessant d’utiliser le mot « informatique » à tous propos alors qu’il s’agit de tout autre chose ;
  • en cessant de mettre des technologies partout dans ces usages, celles qui concernent l’information et la communication ne constituant qu’un seul, certes important pour ce qui concerne la culture informationnelle, des divers axes qui doivent constituer la réflexion en cours sur l’enseignement du numérique promis par la loi prochaine sur la refondation de l’école ;
  • en cessant d’utiliser ces stupides acronymes que sont les Tic, les Tice, les Tuic qui ont pu, en effet, avoir du sens au début de ce millénaire, mais qui s’avèrent ne constituer qu’une vue maintenant très et trop étroite de la problématique, vue réduite à la seule dimension technologique et non sociétale, formidable repoussoir pour tous ceux que la technologie peut rebuter…
Il convient d’observer aussi qu’il n’existe pas un manuel disciplinaire, numérique ou sous une forme traditionnelle et bientôt anachronique, qui ne propose, parallèlement à d’autres activités d’enseignement, des « activités Tice ». Quelle stupidité (pardon) ! Comment est-il possible, en 2013, d’enseigner n’importe quelle discipline en n’ayant qu’une vision utilitariste, fragmentaire, déconnectée, opportuniste, pointilliste voire anecdotique du numérique ?
On peut alors imaginer d’autres conséquences immédiates et pratiques :
  • les animateurs et autres conseillers Tice de bassins et de circonscriptions pourraient être rebaptisés animateurs ou conseillers pour le numérique ;
  • les conseillers techniques Tice des recteurs pourraient s’appeler conseillers pour le numérique…
Enfin, il conviendrait, mais je l’ai déjà dit, de supprimer à terme le B2I et le C2I devenus obsolètes et donc inutiles, ainsi bien sûr que la compétence 4 du socle commun de connaissances et de compétences.
On le voit bien, les compétences à acquérir sont, avec ou sans le numérique, de préférence avec ce dernier, des compétences techniques générales dont l’acquisition peut être vérifiée dans les champs couverts par les compétences 1, 2, 3 et 5 du socle, ou des attitudes et compétences citoyennes, sociales et civiques déjà vérifiées dans les champs 6 et 7.
Comment, en effet, par exemple, maîtriser la langue française et améliorer la qualité de son expression écrite sans utiliser le formidable potentiel offert par le numérique pour ce faire ? Comment, toujours par exemple, maîtriser le calcul et la géométrie sans user d’un tableur, apprivoiser l’algorithmique, utiliser les fonctionnalités 3D du numérique ? Comment comprendre les caractéristiques du vivant sans user des possibilités offertes par le numérique pour la simulation ou le traitement des données ? Comment concevoir et réaliser des objets techniques sans le numérique ? C’est tout simplement impossible !
Comment, pour terminer et toujours par exemple, maîtriser, comme individu et comme citoyen, les règles élémentaires de la vie en société en s’affranchissant de la réalité numérique de cette dernière ? Comment aborder les notions de responsabilité et de liberté et le lien qui existe entre elles hors d’une réflexion sur le numérique, ses usages et son importance dans la société ? 
C’est bien d’un peu d’air frais et d’un renouvellement des idées et des constructions mentales que tout le système éducatif, professeurs et cadres en premier, a besoin, au sujet du numérique soi-même comme au sujet des conséquences observées sur l’enseignement et la posture magistrale.
Qui osera enfin passer ce coup de balai  ?
* etcsdc : Et toutes ces sortes de choses…
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Crédit photo : Tueksta via photopin cc
Dernière modification le lundi, 24 novembre 2014
Guillou Michel

Naturaliste tombé dans le numérique et l’éducation aux médias... Observateur du numérique éducatif et des médias numériques. Conférencier, consultant.