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Le slogan aura été d’actualité tout au long de cette année 2022.

Il a été formulé en mars dernier,  non par quelques matheux nostalgiques d’un pseudo âge d’or de la discipline mais par une trentaine de grands patrons français dans une tribune de l’hebdomadaire Challenges, inquiets pour l’avenir de leurs affaires à cause des effets négatifs de la réforme du lycée dans cette discipline.

Pourtant, tout ne va pas si mal, en France, pour les mathématiques

Les maths sont partout *:

Ce 13 septembre, une étude réalisée par l’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions du CNRS (Insmi) avec le cabinet McKinsey rappelle à quel point l’économie française dépend des maths. Selon ces experts, la proportion des emplois salariés dont l’activité principale est en lien avec les mathématiques représente 13 % des postes, soit 3,3 millions de personnes (en hausse de 12% depuis 2012), et 18 % du PIB (en hausse de 2 points depuis 2012), soit 381 milliards d’euros, en 2019. Soit plus de deux fois le secteur du tourisme en France.

La qualité de la recherche mathématique est régulièrement reconnue 

La France est le deuxième pays en nombre de médaille Fields (équivalent du prix Nobel pour cette discipline oubliée par l’inventeur suédois pour des raisons peu glorieuses), au coude-à-coude avec les États-Unis .La dernière distinction  en date a été attribuée à Hugo Duminil-Copin (1), lauréat en 2022.

Le nombre d’étudiants en licence, en master ou en doctorat de mathématiques a augmenté de 6 % par an depuis 2012 pour atteindre 40 000 en 2020 alors que pendant la même période, les effectifs universitaires totaux ont crû de 3 % par an.

Malgré cela, il y a de fortes ombres au tableau : « Risque de déclassement », « sous-financement », « évolution alarmante »… sont les mots employés par le premier état des lieux de la discipline établi par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres), le 9 novembre dernier. Et cela est étayé par des chiffres moins flatteurs que les précédents.

Dans le classement Pisa qui mesure les compétences des élèves en mathématiques, la France est au 23ème rang des 79 pays testés par l’OCDE.

De 2000 à 2020, les effectifs d’enseignants-chercheurs en mathématiques ont baissé de 8 % principalement en raison de la diminution des postes en mathématiques fondamentales (20 %). En comparaison, pendant la même période, le nombre d’enseignants-chercheurs toutes disciplines confondues a augmenté de 7 %.

La part des publications françaises parmi les publications mondiales est en baisse, passant de 7,9 % à 4,3 % entre 2000 et 2019.

L’état est à la peine pour recruter les professeurs de mathématiques dont il a besoin : depuis plus de 10 ans, le nombre de places au CAPES est supérieur au nombre d’admis. Il en de même pour l’agrégation depuis 2013.

C’est dans ce contexte que viennent de se tenir les Assises des mathématiques organisées à l’Unesco par le CNRS :

Le but était de faire un état des lieux et de proposer des pistes pour préparer le monde de demain qui sera, que nous le  voulions ou non marqué par les mathématiques qui ont là de grands défis à relever.

 « Les précédents colloques étaient trop dans l’esprit “les matheux parlent aux matheux”, sans beaucoup d’impact hors de notre communauté. D’où l’idée, cette fois, de faire parler prioritairement des non-matheux qui expriment les nouveaux besoins de maths qu’ils rencontrent. Et le constat est clair, on n’en a jamais eu autant besoin », indique  Stéphane Jaffard(2) en introduction. Sans maths, impossible de relever les défis concernant la santé, le climat, l’énergie, les transports… qui nécessitent de modéliser, d’optimiser, d’analyser…

Les intervenants ont insisté sur l’importance de replacer les mathématiques au cœur de l’enseignement, dès le plus jeune âge. 

« On n’arrivera pas à changer les choses si la vision des mathématiques ne change pas dans la société », a dit à l’Agence France-Presse, en marge des Assises, Hugo Duminil-Copin. Il a jugé indispensable que chacun dispose d’un « minimum citoyen » en la matière, pour que chacun « puisse affronter la vie de tous les jours ».

Parmi les solutions proposées figure bien évidemment une politique volontariste de recrutements, à tous les niveaux, assortie d’efforts financiers pour augmenter à la fois le nombre de postes et l’attractivité des carrières.

Mais ce n’est pas tout : les femmes pourraient bien être aussi l’avenir des mathématiques.

Selon Cédric Villani(3) (autre médaillé Fields), parmi les facteurs qui détournent les femmes des mathématiques, "il y a l'auto-censure de beaucoup de jeunes femmes dans un contexte où les canons de la société, les préjugés ont la vie dure. Ils se renforcent dans les temps qui viennent. Nous avons besoin de jeunes femmes en sciences". C’est à partir du même constat que le Ministre de l’Education, Pap Ndiaye, affiche l’objectif d’atteindre, d’ici à la fin du quinquennat, la parité filles-garçons dans cette spécialité, sans pour autant mettre en place des quotas.

Hasard du calendrier ou non, c’est la veille de l’ouverture des Assises des Mathématiques, le dimanche 13 novembre,  que  Monsieur Pap Ndiaye a annoncé le retour d’un volume horaire obligatoire de maths au lycée en 1re, mettant fin à la situation créée par la réforme du lycée mise en place par son prédécesseur et décriée par toute la communauté scientifique.  Depuis 2019, la discipline avait disparu du tronc commun pour devenir un enseignement de spécialité, à choisir parmi douze autres. Résultat : un élève sur trois décide depuis d’arrêter les maths dès la fin de la classe de 2nde générale. Faisant suite à une proposition de campagne du président Macron, l’option d’une heure et demie de mathématiques, a été ajoutée à la hâte en septembre dernier dans le tronc commun de la classe de 1re et boudée par une grande partie des élèves.

A la rentrée 2023, cette option deviendra un enseignement obligatoire pour ceux qui ne choisiront pas l’enseignement de spécialité…il était temps.

Cette décision va dans le bon sens même s’il n’est pas certain qu’elle soit suffisante pour assurer l’indispensable culture mathématique due à tout citoyen et si l’annonce ne dit pas où et comment on va trouver les professeurs nécessaires pour assurer cet enseignement

* Un exemple de ces maths qui sont partout : le théorème des quatre couleurs.

 carte maths

 

Un énoncé que tout le monde peut comprendre : Le théorème des quatre couleurs indique qu'il est possible, en n'utilisant que quatre couleurs différentes, de colorier n'importe quelle carte découpée en régions connexes (d’un seul morceau), de sorte que deux régions adjacentes (ou limitrophes), c'est-à-dire ayant toute une frontière (et non simplement un point) en commun reçoivent toujours deux couleurs distinctes. Comme sur cette carte de France avec ses départements.

Un jeu auquel tout le monde peut se prendre : dessiner autant de régions connexes que souhaité sur une feuille de papier et muni d’un stylo 4 couleurs, trouver un coloriage répondant aux conditions de l’énoncé.

Une démonstration exclusivement assistée par ordinateur car la multiplicité des cas à envisager exclue une résolution par papier crayon.

Et ne pas croire qu’il s’agit là d’un résultat anecdotique. Ses applications sont multiples. Pour n’en citer qu’une : les optimisations en matière de logistique, de transport… via la théorie des graphes.

 

(1) Hugo Duminil-Copin, lauréat en 2022 de la médaille Fields est professeur à la faculté des sciences de l’université de Genève.

(2) Stéphane Jaffard est professeur de mathématiques à l’université de ParisXII

(3) Cédric Villani…on ne le présente pas

Dernière modification le mardi, 22 novembre 2022
Puyou Jacques

Professeur agrégé de mathématiques - Secrétaire national de l’An@é