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Un levier pour la refondation de l’école - Shakespeare a dit : « Ils ont échoué parce qu’ils n’avaient pas commencé par le rêve ». Rêvons un peu !
Le retour à la semaine de 4 jours et demi avec des journées plus courtes et avec l’intégration de l’aide aux élèves en difficulté dans le temps scolaire normal a rencontré bien des oppositions : celles des gens du tourisme dont on comprend les préoccupations même si elles ne s’adressent qu’à une minorité de la population, celles de parents inquiets pour leurs enfants lâchés dans la rue après le temps scolaire, celles de parents attachés à des grands moments de communication avec leurs enfants le samedi (!), celles d’enseignants qui déclaraient, malgré leur fatigue en fin de journée, que les 4 jours étaient un avantage acquis définitif, celles des élus locaux considérant soit que la prise en charge des élèves hors temps scolaire est un gouffre financier non prévu, soit qu’il est primordial de poursuivre la macadamisation des trottoirs plus importante que la vie des enfants, celles de la minorité politique actuelle qui a oublié que la réduction de la semaine n’avait en réalité pas d’autre objectif que les économies budgétaires : l’aide individualisée faite par les enseignants ne coûtait rien, elle permettait d’éviter la dépense pour les RASED, pour la formation des maîtres remplacée par de l’improbable animation pédagogique, pour les salaires des enseignants dont les revendications pouvaient être écartées dans la mesure où il était devenu impossible de demander à être payé plus pour travailler moins devant élèves.
 
Ainsi, voilà : à force de patience, de dialogue, de conviction, de prise de conscience partagée des enjeux, de fermeté et de cohérence aussi, l’école est entrée dans une ère nouvelle. L’école du futur se met progressivement en place. La Nation a compris qu’il ne s’agit plus, dans ce nouveau contexte, d’une mesure orientée seulement par la réduction de la dépense publique ou par la satisfaction des désirs d’une minorité ou par la pression de l’économie du tourisme et des loisirs, mais qu’il s’agit de l’un des éléments majeurs de la refondation annoncée par le Président de la République, de la construction d’une nouvelle école et d’une nouvelle conception globale de l’éducation.
 
Dans le même temps et dans la concertation, non pas au sommet, mais avec les acteurs du terrain, on a fini par comprendre qu’une telle mesure ne peut en aucun cas être intéressante et efficace si elle n’est pas liée à un nouvelle définition des finalités, à une refonte complète des programmes, à l’organisation de projets éducatifs globaux territorialisés avec une nouvelle étape de la décentralisation car l’école ne peut à elle seule, isolée des partenaires de l’éducation, des autres porteurs et diffuseurs de savoirs, du monde qui l’entoure, résoudre ses problèmes.
 
Ouf, c’est fait ! Bravo. Le plus dur a été surmonté. Les communes, les regroupements de communes, les départements sont mobilisés. L’Etat se porte garant de l’égalité entre les territoires et du respect des politiques éducatives générales portées par le gouvernement.
Cela a coûté cher, mais quand on est mobilisé pour l’avenir et le bonheur de nos enfants et pour le progrès de la société, on ne compte pas que le CAC 40.
 
Les enfants sont moins fatigués et heureux. L’ennui tend à diminuer dans les classes. Les enseignants libérés des carcans, de l’autoritarisme, des tuyaux d’orgue, du pilotage par les résultats importé des banques et de l’industrie, reprennent le droit et le goût de penser, travaillent en équipes, développent la transdisciplinarité et les décloisonnements pour donner du sens aux savoirs, retrouvent le sens de leur métier et l’enthousiasme. Les écoles et les collèges s’ouvrent. Aux parents d’abord qui ne sont plus seulement considérés comme des « parendélèves », répétiteurs et faiseurs de devoirs, mais comme des partenaires, porteurs de savoirs.
 
Aux mouvements d’éducation populaire qui retrouvent la place historique qui était la leur : la Ligue de l’Enseignement avec l’USEP et l’UFOLEP, avec Lire et Faire Lire, redonne de la vie à ses amicales locales qui s’étiolaient doucement, les CEMEA, les Francas retrouvent la capacité de ne pas se laisser réduire à des services mais contribuent à l’élaboration et à la mise en œuvre des projets éducatifs globaux. Les clubs sportifs, les écoles de musique, les ateliers de pratiques artistiques trouvent une nouvelle place dans la vie locale.
 
Les BCD, les CDI, les salles informatiques et les classes pupitres sont ouverts le soir pour des activités intergénérationnelles et des recherches. Conférences, expositions – notamment des productions de savoirs des élèves -, se multiplient. Les établissements deviennent des maisons des savoirs et des apprentissages tout au long de la vie, intégrés à la vie de la cité.
 
 
La vie, le bonheur d’apprendre, le bonheur d’enseigner, la conscience collective de contribuer à construire une nouvelle société, plus fraternelle, plus respectueuse, plus attentive au « vivre ensemble » et à « faire société ».
Ainsi, l’annonce de Vincent Peillon, ministre de l’Education Nationale, comme sa décision relative au système d’évaluation négatif et angoissant, n’en déplaise à certains, va bien au-delà d’une mesure technique ou d’un aménagement des politiques antérieures. Il ne s’agit pas de réparer. Il s’agit de refonder !
 
On peut rêver un peu. Il était temps.
 
Mais vous n’êtes pas obligé d’être d’accord
Frackowiak Pierre

Inspecteur honoraire de l’Education nationale. Vice-président de la Ligue de l’Enseignement 62. Co-auteur avec Philippe Meirieu de "L’éducation peut-elle être encore au cœur d’un projet de société ?". Editions de l’Aube. 2008. Réédition en format de poche, 2009. Auteur de "Pour une école du futur. Du neuf et du courage." Préface de Philippe Meirieu. La Chronique Sociale. 2009. Auteur de "La place de l’élève à l’école". La Chronique Sociale. Lyon. Auteur de tribunes, analyses, sur les sites educavox, meirieu.com. Prochainement, une BD avec les dessins de J.Risso :"L"école, en rire, en pleurer, en rêver". Préface de A. Giordan. Postface de Ph. Meirieu. Chronique Sociale. 2012.