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L’application de la réforme du lycée s’avère plus délicate que prévue. Différents problèmes émergent et notamment l’organisation des conseils de classe. Plusieurs articles ont signalé les problèmes d’organisation et de tenue de ceux-ci compte tenu du nombre d’enseignants concernés pour une même classe. On peut en effet s’interroger pour cette raison, mais il y a peut-être d’autres raisons qui seraient plus pertinentes.

Partons des fonctions officielles du conseil de classe

Le travail du conseil de classe porte à la fois sur la classe en tant que collectif et sur chacun des élèves qui la compose. Concernant le collectif, le conseil de classe s’intéresse à la vie de la classe et à l’organisation du travail des élèves. Remarquons tout de suite que ce dernier point est peu réalisé en conseil de classe. D’une part il supposerait une coordination pédagogique acceptée par les enseignants de la classe, ce qui est loin d’être le cas à ma connaissance, mais aussi, sa temporalité ne plaide pas pour l’exercice de cette fonction. La coordination pour un trimestre parait impossible à chacun et peu pertinente.

L’autre fonction collective suppose un travail de synthèse préalable réalisé par le professeur principal (PP) qui était déjà assez difficile à réaliser par celui-ci avant la réforme du lycée lorsque le nombre d’enseignants de la classe ne dépassait pas la quinzaine. D’après les constats des syndicats ce nombre a plus que doublé aujourd’hui. Son exercice est donc fort peu probable !

Mais allons voir du côté du côté du Code de l’éducation et citons la première phase de l’ Article R421-51 du Code de l’éducation :

« Le conseil de classe est chargé du suivi des élèves, il examine toutes les questions pédagogiques intéressant le suivi des acquis des élèves et la vie de la classe, notamment les modalités d’organisation du travail personnel des élèves et de l’évaluation progressive de leurs acquis, en cohérence avec le volet pédagogique du projet d’établissement. »

Non seulement le conseil de classe examine « les modalités d’organisation du travail personnel des élèves », mais également celles « de l’évaluation progressive de leurs acquis » et tout ceci « en cohérence avec le volet pédagogique du projet d’établissement »[1]. On est là dans l’idéalisation institutionnelle. Le grand YAKA a parlé ignorant les conditions nécessaires de réalisation.

Prenons maintenant l’autre objectif du conseil de classe, celui de l’individualisation. Il se décompose en trois activités :

  • examiner les résultats scolaires individuels de chaque élève en proposant un bilan et des conseils qui figureront sur le bulletin scolaire ;
  • émettre un avis sur les décisions d’orientation ;
  • émettre un avis éclairant le jury d’examen (pour les classes à examen).

Depuis le Décret n°93-55 du 15 janvier 1993 instituant une indemnité de suivi et d’orientation des élèves en faveur des personnels enseignants du second degré c’est le professeur principal qui expose « au conseil de classe les résultats obtenus par les élèves et présente ses observations sur les conseils en orientation formulés par l’équipe » (Article R421-51). Les interventions des enseignants sur la situation propre à chaque élève devaient donc disparaître depuis 1993. Mais donc à quoi servirait le rassemblement de tous les enseignants de la classe ? Il faut poursuivre examen de cet article :

« Sur ces bases et en prenant en compte l’ensemble des éléments d’ordre éducatif, médical et social apporté par ses membres, le conseil de classe examine le déroulement de la scolarité de chaque élève afin de mieux l’accompagner dans son parcours scolaire, à la fois dans la progression de ses apprentissages à l’intérieur d’un cycle, dans son passage d’un cycle à l’autre et dans la construction de son projet personnel. »

Donc le conseil de classe examine « le déroulement de la scolarité » et ceci pour « mieux l’accompagner dans son parcours scolaire ».

Par rapport à l’orientation si on combine ceci avec le traitement du redoublement[2] on pourrait en conclure que le conseil de classe ne participerait plus que de loin aux procédures d’orientation et que le rôle du chef d’établissement se trouverait renforcé dans ce domaine, en particulier au collège[3].

L’utilité du conseil de classe au Lycée « général » ?

Au lycée sur le champ de l’orientation quel est encore l’utilité du conseil de classe ?

Pour la classe de seconde j’ai déjà commenté l’Arrêté du 16 juillet 2018 dans un autre post[4], mais c’était à propos de l’accompagnement. Voyons ici la procédure d’orientation en fin de seconde. Elle se trouve particulièrement simplifiée. Les propositions d’orientation portent sur deux voies, la voie générale et la voie technologique, tout le reste relève de la décision de l’élève et de la famille. Une étude de la Depp vient d’être publiée, « Choix de trois spécialités en première générale à la rentrée 2019 : 15 combinaisons pour 80 % des élèves »

Rappelons, en passant que le nombre de spécialités dans la voie générale est de 19, et que dès lors le nombre de combinaisons théoriques, ce qui n’est pas nécessairement possible dans la réalité, est de … 5814 ! Notons également le choix prioritaire des trois matières scientifiques traditionnelles, les mathématiques étant largement en tête, qu’on retrouve la différenciation des choix genrés ainsi que les choix liés aux catégories sociales. Donc pas sûr que la liberté de choisir aie réellement ouvert le champ des choix.

Toujours est-il que le conseil de classe se prononce essentiellement sur le passage en classe supérieure et éventuellement sur la distinction entre les deux voies qui reste un filtre important de principe, mais sans doute moindre dans le réel la répartition ayant été déjà faite à l’entrée en seconde.

En fin de première, pas de palier d’orientation mais un choix difficile pour les élèves, abandonner un enseignement, éventuellement avec les conseils des enseignants, mais sans doute avec le conseil de l’enseignant ou des enseignants concernés. Le conseil de classe n’a pas ici une grande utilité, me semble-t-il, mais je peux me tromper.

Et en terminale, voilà le retour du bon vieux dossier pour les demandes d’admission, sous une autre forme, plus moderne bien sûr. Le fameux Article R421-51 cité plus haut comporte une dernière phrase :

« En classe terminale des lycées, le conseil de classe se prononce sur les vœux de poursuite d’études de l’élève dans l’enseignement supérieur afin d’éclairer le chef d’établissement appelé à émettre un avis sur chacun de ces vœux conformément à l’article D. 331-64-1. » Et ce dernier article précise que « le chef d’établissement émet, après que le conseil de classe s’est prononcé, un avis sur chacun des vœux de poursuite d’études de l’élève dans l’enseignement supérieur. »

Rappelons ici un détail : une classe est constituée de 35 élèves (avant la réforme…) qui chacun peuvent formuler 10 vœux maximum dans des formations sous statut étudiant ainsi que 10 autres pour des formations en apprentissage. Admettons qu’il y ait peu de demandes concernant l’orientation, on est tout de même sur une estimation maximale de 350 avis à formuler. Et ces avis sont intégrés dans la « fiche avenir »[5] propre à la procédure Parcoursup. Peu probable que ce travail soit sérieusement réalisé durant la tenu du conseil de classe ! Donc soit il est une simple chambre d’enregistrement, soit ce travail est fait après, mais par qui ? Le chef d’établissement seul ?

La question n’est donc pas de se demander comment faire fonctionner les conseils de classe, mais bien à quoi servent-ils encore avant e modifier leur fonctionnement ?

Bernard Desclaux

http://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2019/11/20/de-lutilite-du-conseil-de-classe-en-lycee-general/

[1] Article R421-51 du Code de l’éducation  https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000036627857&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20180222

[2] Vers une nouvelle configuration de l’orientation II : les procédures d’orientation http://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2018/04/17/vers-une-nouvelle-configuration-de-lorientation-ii-les-procedures-dorientation/

[3] Vers une nouvelle configuration de l’orientation II : les procédures d’orientation http://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2018/04/17/vers-une-nouvelle-configuration-de-lorientation-ii-les-procedures-dorientation/

[4] Vers une nouvelle configuration de l’orientation II : les procédures d’orientation

http://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2018/04/17/vers-une-nouvelle-configuration-de-lorientation-ii-les-procedures-dorientation/

[5] Parcoursup : la Fiche Avenir, c’est quoi ? qui la prépare ? qui peut la voir ? http://etudiant.aujourdhui.fr/etudiant/info/parcoursup-la-fiche-avenir-c-est-quoi-qui-la-prepare-qui-peut-la-voir.html



Dernière modification le samedi, 23 novembre 2019
Desclaux Bernard

Conseiller d’orientation depuis 1978 (académie de Créteil puis de Versailles), directeur de CIO à partir de 90, je me suis très vite intéressé à la formation des personnels de l’Education nationale. A partir de la page de mon site ( http://bdesclaux.jimdo.com/qui-suis-je/ ) vous trouverez une bio détaillée ainsi que la liste de mes publications.
J’ai réalisé et organisé de nombreuses formations dans le cadre de la formation continue pour les COP, , les professeurs principaux, les professeurs documentalistes, les chefs d’établissement, ainsi que des formations de formateurs et des formations sur site. Dans le cadre de la formation initiale, depuis la création des IUFM j’ai organisé la formation à l’orientation pour les enseignants dans l’académie de Versailles. Mes supports de formation sont installés sur mon site.
Au début des années 2000 j’ai participé à l’organisation de deux colloques :
  • le colloque de l’AIOSP (association internationale de l’orientation scolaire et professionnelle) en septembre 2001. Edition des actes sous la forme d’un cd-rom.
  • les 75 ans de l’INETOP (Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle). Edition des actes avec Remy Guerrier n° Hors-série de l’Orientation scolaire et professionnelle, juillet 2005/vol. 34, Actes du colloque : Orientation, passé, présent, avenir, INETOP-CNAM, Paris, 18-20 décembre 2003. Publication dans ce numéro de « Commentaires aux articles extraits des revues BINOP et OSP » pp. 467-490 et les articles sélectionnés, pp. 491-673
Retraité depuis 2008, je poursuis ma collaboration de formateur à l’ESEN (Ecole supérieure de l’éducation nationale) pour la formation des directeurs de CIO, ainsi que ma réflexion sur l’organisation de l’orientation, du système éducatif et des méthodes de formation. Ce blog me permettra de partager ces réflexions à un moment où se préparent de profonds changements dans le domaine de l’orientation en France.
Après avoir vécu et travaillé en région parisienne, je me trouve auprès de ma femme installée depuis plusieurs années près d’Avignon. J’y ai repris une ancienne activité, le sumi-e. J’ai installé mes dernières peintures sur Flikcr à l’adresse suivante : http://www.flickr.com/photos/bdesclaux/ .