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Dans cet article, nous verrons que la composition de chapitres d’un audiolivre en ligne (1 et 2) comme base d’activités de compréhension orale en français langue seconde (FLS) nous conduit à une réflexion sur des développements de plus grande envergure, comme une Webradio étudiante et même une Webtélé éducative.
Telles de vraies poupées russes, le scénario le plus ambitieux intègre les composantes principales du précédent, ce qui nous amène à voir le tout soit dans une démarche étapiste avec des phases de réalisation bien établies, soit comme des scénarios viables indépendamment ou encore sous l’angle d’une seule et même grande œuvre. Suivant une réflexion en crescendo, l’aventure peut même se traduire au final en projet rassembleur impliquant une équipe-école.
 
 
Première partie
 
 
Les scénarios 1 et 2 sont réalisables par un seul enseignant et sa classe en FLS ; ou bien, en collaboration entre enseignants de même niveau et en contexte interniveau. Sur le plan technique, l’ensemble des productions peut requérir aussi peu qu’un enregistreur vocal numérique ou un logiciel de montage sonore comme Audacity et l’usage du média social Facebook comme environnement au service d’une communauté apprenante.
 
 
Scénario 1 : un audiolivre et la création d’un auditoire webradiophonique
 
 
Le Scénario 1 consiste en une mise en ligne des fichiers-sons d’œuvres informatives ou narratives. Cet audiolivre est pédagogiquement exploité de plusieurs façons. Accompagné de questionnaires autocorrectifs, il devient une grande banque d’exercices de français oral. Par ailleurs, en classe, l’enseignant reprend les contenus abordés et explore avec ses étudiants diverses formules éducatives découlant de stratégies d’apprentissage variées : mise en situation à un jeu de rôle ou à une recherche d’informations, discussions sur des thèmes socioculturels, etc.
 
Par ce projet, nous avons voulu créer un auditoire webradiophonique, en amenant les étudiants à mieux employer des stratégies de compréhension orale. Question de les habiliter en même temps à des qualités de recherche et d’expression utiles en journalisme, mais aussi à des études postsecondaires ou à l’exercice de fonctions professionnelles, l’émission de radio sur le Web devient alors un élément déclencheur à la réalisation de présentations orales en équipe. Dans notre cas, nous privilégions la simulation d’émissions d’affaires publiques, de conférences internationales, etc. bien coordonnées entre les équipiers avec des thèmes reliés aux intérêts des étudiants.
 
Même si ce projet webradiophonique implique des tâches supplémentaires à l’enseignement habituel, mais assez facilement réalisables, une réflexion sur l’expérience vécue nous conduit à envisager des prolongements substantiels et prometteurs, comme le démontrent les scénarios suivants. L’ampleur des changements prévus nécessitera la formation d’équipes de travail plus nombreuse.
 
 
Scénario 2 : d’un rôle participatif à une Webradio étudiante
 
 
Alors que le scénario 1 limite l’usage par les étudiants de la webradio à des exercices traditionnels de compréhension orale, le scénario 2 implique ceux-ci dans le processus de réalisation des enregistrements audio nécessaires au contenu des émissions. Des enregistrements des productions orales des étudiants, aussi à l’aide d’un enregistreur vocal numérique, constitueraient autant d’artefacts (de matière brute) à retravailler en classe afin de transformer l’expérience d’audiolivre en ligne en véritable Webradio étudiante. Les étudiants deviendraient alors des créateurs d’information sur le Web et non de simples auditeurs. Cela serait d’autant plus intéressant pour eux que de devenir acteurs dans la réalisation de ces émissions leur donnerait un rôle de premier plan et leur permettrait de mieux intégrer les notions abordées de par leur implication.
 
Le projet vise aussi l’établissement de relations plus étroites entre les étudiants en FLS et la société d’accueil, à la différence du scénario précédent qui limitait l’auditoire et le partenariat à une classe ou deux. Ici, l’apport de la communauté internaute mondiale est sollicité, et des collaborateurs des quatre coins du monde, en visioconférence, pourraient s’associer à un étudiant en FLS dans la préparation d’une chronique radiophonique. Abordant des notions en lien avec des besoins d’intégration socioprofessionnelle (en médecine ou en génie, par exemple), des chroniqueurs s’exprimeraient ainsi en contexte de langue authentique et signifiant. Cela pourrait devenir extrêmement riche puisqu’il pourrait y avoir l’apport de personnes ayant des intérêts similaires ou même complémentaires. Cela pourrait susciter la mise en place d’un véritable dialogue interculturel (3) entre gens différents pays.
 
On comprendra que la faisabilité de ce type de projet implique minimalement l’acceptation d’horaires d’études plus flexibles qu’ils ne le sont en situation standard, ouvrant la voie à la mise en place d’une formule hybride (4).
 
 
Deuxième partie
 
 
Les scénarios 1 et 2 nous semblent réalisables avec des moyens techniques rudimentaires, des TIC conviviales et des logiciels libres. Il en va autrement du transfert des compétences acquises lors du déploiement de ces projets à l’élaboration d’une Webtélé éducative de classe, qui peut dans un mouvement en crescendo devenir le projet rassembleur d’une équipe-école. 
 
 
Scénario 3 : la Webtélé éducative de classe
 
 
Dans Vers une approche vivante de développement de projets TICÉ (5), nous (Rachel et Luc) avons soulevé la question de la variété des styles et des stratégies d’apprentissage qui cohabitent au sein d’une classe. Pour répondre aux besoins du plus grand nombre ; il convient alors, à notre avis, d’étendre la portée de l’exploitation du Web à l’oral comme à l’écrit et en communication. De cette manière, tous les étudiants seraient touchés et on s’assurerait une plus grande portée à ce scénario. 
 
D’une Webradio étudiante, nous passerions alors à une Webtélé incluant des options du Web 2.0, comme la constitution de diaporamas, le forum ou le clavardage, etc. L’expérience pourrait même être couplée à l’apprentissage des tâches d’une gamme assez étendue de métiers. Par exemple, la réalisation des chroniques pourrait impliquer la collaboration d’étudiants en journalisme ou en communication afin de doter les étudiants de compétences professionnelles en réalisation d’entrevues et de reportages, à l’analyse de contenus, à la rédaction de rapports, etc. ; renforçant ainsi le réseautage déjà en cours dans les projets précédents, qu’il s’agisse des liens entre étudiants en FLS et les étudiants réguliers d’une organisation postsecondaire ou d’internautes francophones. Tous ces efforts concordent à l’intégration socioprofessionnelle des étudiants en FLS.
 
Dans la même veine, la téléphonie cellulaire pourrait être mise à partie, en s’inspirant de l’Iphonographie de Miss Pixels (6), présentée au TEDx de l’Université de Montréal (UdeM) en juin 2012. Cette technologie, en lien avec la pédagogie nomade se marierait bien à des formules éducatives comme le rallye réel et l’usage de la réalité augmentée (7). Il est de notre avis également que la faisabilité, mais surtout la pérennité de ce scénario dépasse les limites des tâches d’enseignement et requiert la participation de ressources techniques de l’établissement scolaire, et d’autres contributions comme celles de stagiaires et de bénévoles.
 
 
Scénario 4 : la Webtélé éducative comme projet d’école
 
 
Déjà le scénario précédent ouvrait la voie à une multitude de modes d’expression et à des productions audioscriptovisuelles d’envergure variée. De plus, des liens étaient tissés non seulement entre les étudiants d’une même classe, mais aussi entre ceux de classes et de niveaux de compétence variés en FLS. Le projet prévoyait aussi des liens entre des étudiants en FLS et des locuteurs natifs aussi bien d’une même institution scolaire que dans le reste de la société d’accueil et même ailleurs dans le monde. Sa réalisation nécessite une architecture technologique beaucoup plus complexe que les scénarios présentés en première partie du présent article.
 
La richesse du projet de Webtélé éducative est telle que nous y voyons de l’intérêt pour plusieurs professeurs d’une école de langue, et la possibilité d’en faire le projet par excellence d’une équipe-école.
 
 
Conclusion
 
 
Parlant d’un monde à bâtir, dans sa chanson Il me reste un pays (8), le chanteur québécois Gilles Vigneault nous dit : c’est un pont que je construis de ma nuit jusqu’à ta nuit. Ces propos traduisent bien l’intention de briser les murs des solitudes culturelles (9) ou la ghettoïsation en faisant la promotion d’une démarche inclusive et communicationnelle. Pour y arriver, nous croyons en l’importance de mettre sur pied des projets qui permettent aux participants non seulement de s’exprimer de la manière qui correspond le mieux à leur style d’apprentissage, mais également en celle de créer un réseautage riche et stimulant. Pour nous, les approches communicative et axée sur la tâche ou actionnelle (10) des cours de FLS, l’attrait envers les TICÉ et la Recherche-Action (11) constituent les bases sur lesquels se concrétisent pas-à-pas les rêves.
 
Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, technopédagogue
Collaboration : Rachel Malo, professeure de français langue seconde, spécialiste en linguistique et en évaluation
 
Références
(1) Luc Renaud (le 25 juin 2012) Une gamme variée de logiciels pour un autoapprentissage en L2, Educavox, http://www.educavox.fr/formation/analyses-27/article/une-gamme-variee-de-logiciels-pour
(2) Luc Renaud (le 15 juin 2012) Des projets éducatifs et le livre numérique en langue seconde, Educavox, http://www.educavox.fr/formation/analyses-27/article/des-projets-educatifs-et-le-livre
(3) Éducation et francophonie, http://www.acelf.ca/c/revue/pdf/XXXVI_1_044.pdf
(4) Luc Renaud (le 10 mars 2012), Pédagogie ouverte : autoformation et collaboration, Educavox,http://www.educavox.fr/formation/analyses-27/Pedagogie-ouverte-autoformation-et
(5) Luc Renaud et Rachel Malo (le 28 janvier 2013), Vers une approche vivante de développement de projets TICÉ, Educavox, http://www.educavox.fr/formation/analyses-27/article/vers-une-approche-vivante-de
(6) Luc Renaud (le 4 juin 2012), Le triomphe de l’apprentissage expérientiel à l’ère du numérique, Educavox, http://www.educavox.fr/actualite/debats/article/le-triomphe-de-l-apprentissage
(7) Luc Renaud (le 12 avril 2012) La valeur rajoutée de la réalité augmentée (RA) en éducation, Educavox, http://www.educavox.fr/formation/analyses-27/La-valeur-rajoutee-de-la-realite
(8) Gilles Vigneault, Il me reste un pays, Les éditions du Vent qui Vire
(9) Luc Renaud et Rachel Malo (le 21 janvier 2013), Le Web 2.0 dans une perspective interculturelle et intergénérationnelle, Educavox, http://www.educavox.fr/actualite/debats/article/le-web-2-0-dans-une-perspective
(10) Karine Van Thienen, Une approche basée sur la tâche, Synergies Pays Scandinaves n° 4 - 2009 pp. 89-95 http://ressources-cla.univ-fcomte.fr/gerflint/Paysscandinaves4/vanthienen.pdf
(11) André Morin Cheminer ensemble dans la réalité complexe. La recherche-action intégrale et systémique (RAIS), 2010, L’Harmattan
Renaud Luc

Luc Renaud est spécialisé en technologie éducationnelle et enseigne le français langue seconde depuis plusieurs années auprès d’une clientèle adulte immigrante. Détenteur d’une maitrise en éducation, il a aussi été chargé de cours à l’Université de Montréal dans le domaine de l’intégration pédagogique des TIC, et a participé à des projets de recherche portant sur la formule hybride et le socioconstructivisme. Il possède également une solide expertise en développement et expérimentation de formations en ligne et s’intéresse vivement à la collaboration internationale. 
Mal à l’aise dans le milieu scolaire, il croit à une remise en question continuelle de l’école ; il tient d’ailleurs un blogue, L’éduc-acteur, le Blogue de Luc Renaud, sur des thèmes variés, qui mettent de l’avant l’importance de l’autoformation.
Il est aussi entrepreneur, ayant démarré récemment une entreprise de consultant en technologie éducationnelle, La boîte à idées E.T.L.R. Ideas Boxdans la région de Montréal.


Montréal, Québec (Canada)